Reportage Afrique

Trafic de drogues: le Kenya, de plateforme logistique à marché de consommation émergent

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D’abord plateforme du trafic de drogue mondial, le Kenya est devenu ces dernières années un marché de consommation émergent. D’après le dernier rapport de Nacada, l’Autorité nationale pour la campagne contre l’abus d’alcool et de drogues, un Kényan sur six consomme des substances illicites. Les populations les plus vulnérables sont les plus pauvres, comme à Kibera, le plus grand bidonville d’Afrique.

Félix Kokonya et Hilda Odiaga, deux membres d'Akili Bomba.
Félix Kokonya et Hilda Odiaga, deux membres d'Akili Bomba. © Gaëlle Laleix / RFI
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De notre correspondante à Nairobi, 

C’est à l’âge de 13 ans que Rollins Odiero Odhiambo a démarré son chemin vers l’addiction : « J'ai commencé par l'alcool illicite. Quand j'étais en primaire, ma mère en vendait pour subvenir à nos besoins. Puis, j'ai commencé à fumer de la marijuana. À l'université, des amis m'ont traîné dans la drogue. Certains ont mis des pilules dans mes verres d'alcool ».

D’après Nacada, l’Autorité kényane pour la campagne contre l’abus d’alcool et de drogues, les médicaments détournés représentent la deuxième drogue la plus consommée chez les étudiants du secondaire. Il s’agit d’anxiolytiques ou d’opiacés. L’accès à ces médicaments est extrêmement simple, selon Fauzia Ithambo, ancienne consommatrice : « Une femme nous vend les médicaments dans le quartier. Je crois qu'elle travaille dans une pharmacie. Les pilules coûtent 40,50 ou 20 shillings, soit quelques centimes d'euros. Elles sont bleues, jaunes ou blanches. Prendre ces drogues, c'est très commun. Il y a des familles où le père, la mère, et même les enfants se droguent ».

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Dans les rues de Kibera, une dose de crack coûte 150 shillings, soit moins d’un euro. Félix Kokonya est le fondateur d’Akili Bomba, une organisation qui aide les jeunes à sortir de la drogue. Lui-même en a consommé pendant près de trente ans. Pour lui, il n'y a pas de secret : si les prix sont bas, c'est parce que la demande est là : « Les drogues sont facilement accessibles car beaucoup de gens ont été poussés à consommer. Les dealers proposent une première dose à un pris très bas. Il y a des milliers de clients chaque jour. Si chacun achète trois ou quatre doses à 150 shillings chaque jour, cela représente beaucoup d'argent ».

En 2017, le Kenya s’est doté d’un protocole national de soins aux addictions. Mais malgré cela, dans la rue, les programmes de soins et de prévention sont quasi inexistants, selon Hilda Odiaga, membre d’Akili Bomba :« Au Kenya, il n'y a que l'argent qui puisse vous aider à sortir de la drogue. Ceux qui organisent la prévention sont souvent des hommes politiques, durant leur campagne électorale. Mais une fois réélus, ils oublient ces programmes et leurs bénéficiaires. Il n'y a donc pas beaucoup d'aides qui viennent du secteur public », explique-t-elle. 

D’après Nacada, la moitié des consommateurs de drogue au Kenya ont entre 10 et 19 ans.

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