Côte d'Ivoire: la pollution du N'Zi, source d'inquiétude pour les riverains
Publié le :
En Côte d’Ivoire, 80 % des cours d’eaux, des lacs et des lagunes du pays seraient contaminées, en raison, entre autres, des déchets plastiques, de l’agriculture incontrôlée, ou encore de l’orpaillage. Reportage à Dimbokro, où l’état du N’Zi, l’une des plus importantes rivières du pays, suscite l’inquiétude depuis plusieurs années.

De notre envoyé spécial à Dimbokro,
Le soleil se lève sur le N’Zi. Une demi-douzaine de pêcheurs vident les nasses installées dans le méandre de la rivière. Matthieu sort de sa pirogue, la prise est décevante. Quelques silures frétillent dans le sac plastique au fond de son embarcation. « C’est devenu trop sale, ces temps-ci, il n'y a pas de poisson », regrette-t-il. Autrefois jugé limpide par les villageois alentours, le N’Zi a désormais la couleur de l’argile, surtout pendant la saison sèche. Et le poisson se fait plus rare. « C’est ce qu’on prend pour nourrir notre famille, quand c’est comme ça, ça ne nous arrange pas », ajoute Matthieu.
Pour les pêcheurs comme Richard, les responsables sont connus. « C’est à cause des orpailleurs, les gens qui extraient de l’or, donc quand on vient, on ne trouve rien », affirme-t-il. D’après les riverains, les chercheurs d’or ratissent le lit du N’Zi à l’aide de dragues. Des monticules de graviers témoignent de leur passage. En contrebas du village de Kongossou, la berge est creusée. Loya ne veut plus nager dans la rivière. « Avant ici, on appelait ici la plage, mais aujourd’hui c’est plus la peine. Les gens des dragues ont gâté le N’Zi, ils ont fait leurs forages ici, se désole-t-il. C’est le gravier qu’ils ont sorti qui est là, c’est pour forer l’or. »
Il y a la dégradation visible. L’eau boueuse est 200 fois plus trouble que la norme de limpidité. La société Sodeci la nettoie avec un floculant avant de pouvoir la distribuer vers Dimbokro. Mais il y a aussi une pollution invisible. Ces dernières années, des études scientifiques ont décelé entre autres des restes de cadmium et de mercure dans l’eau tout au long du N’Zi. Le mercure est un métal notamment utilisé pour l’amalgamation de l’or. La concentration de ces métaux lourds fluctue en fonction de la saison et du niveau de la rivière. Les dernières études en date montrent des niveaux inférieurs aux seuils de dangerosité établis par l’Organisation mondiale de la santé, mais leurs auteurs appellent à la vigilance.
À lire aussiLa Côte d'Ivoire adhère à la convention des Nations unies sur l'eau
Face à la pollution, les agents du ministère des Eaux et Forêts déguerpissent fréquemment les orpailleurs proches du N’Zi. Mais ce n’est pas suffisant pour le professeur Bernard Yapo, le patron du Ciapol, le centre ivoirien antipollution : « On arrête certains mais pas tout le monde, et le phénomène continue de s’amplifier. Mais il faut savoir que les populations elles-mêmes participent à ces activités d’orpaillage. Il faut vraiment impliquer les populations qui sont sur les cours d’eaux, c’est à elles de s’impliquer véritablement et de refuser que ce genre d’activités illégales s’implantent dans leur zone. » Pour Bernard Yapo, l’utilisation mal contrôlée d’engrais et de pesticides, les déchets et les rejets d’eaux usées dégradent également les rivières comme le N’Zi.
Outre les conséquences sanitaires et environnementales, le directeur du Ciapol s’inquiète aussi de l'impact économique de la pollution des cours d'eau sur l’industrie. Une préoccupation qui contraste avec l’insouciance des écoliers de Dimbokro. Chaque après-midi, ils continuent de plonger tête la première malgré l’état notoirement connu de la rivière.« L’eau, elle est très sale. Très, très sale même ! », s'exclament-ils. Et quand on leur demande pourquoi ils continuent à se baigner dedans, ils répondent : « On est habitués à ça en fait, on est habitués à ça quoi. »
À lire aussiCôte d’Ivoire: près de 185 cas de contamination liés à la pollution d'une mine d’or
NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail
Je m'abonne