L’imprimerie nationale Patrice Lumumba, un acteur oublié de la Guinée indépendante
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La Guinée a fêté cette semaine l'anniversaire de son indépendance. L'occasion pour nous d'un gros plan sur l'un des joyaux de la Première République de Guinée, l’imprimerie nationale Patrice Lumumba. Cette imprimerie, créée fin 1961, était située à Coléah dans la commune de Matam, à Conakry. Nommée en hommage à Patrice Emery Lumumba, le Premier ministre congolais assassiné en 1961, et figure emblématique du panafricanisme, elle était sans équivalent dans la sous-région et représentait pour la Guinée, un symbole de souveraineté nationale. Mais ce géant est aujourd'hui tombé.

De notre correspondant à Conakry,
C'est avec l’assistance technique d’experts est-allemands que l'Imprimerie a été construite. Elle a permis à la Guinée d'imprimer de nombreuses revues, des livres, mais aussi de produire des cahiers et des documents administratifs officiels.
Alpha Cissoko, un ingénieur en imprimerie passionné par l'histoire de ce lieu, est nostalgique : « Cette imprimerie a représenté la fierté de la Guinée. Le souci majeur des dirigeants d'alors, c'était de sortir la Guinée de l'obscurantisme et de donner la possibilité à tout Guinéen, de se former. Il y a eu une campagne d'alphabétisation. Au cours de cette campagne, certains manuels ont été rédigés dans toutes les langues nationales parlées en Guinée. Ces brochures-là et ces livres ont été distribués dans tout le pays et les jeunes élèves apprenaient ça à l'école primaire et commençaient avec le français, surement au collège ».
L'Imprimerie Patrice Lumumba était un véritable lieu de vie, avec notamment un réfectoire qui pouvait devenir salle de répétition ou de spectacle. Antoine Sylla, employé de l’imprimerie, se souvient : « C'était la grande salle de spectacle de la commune de Matam, où l'ensemble instrumental faisait ses répétitions et le spectacle de la commune ».
Production emblématique de l'imprimerie : les tomes regroupant les discours et les conférences du premier président, Ahmed Sékou Touré. La fabrication de certains tomes a été soumise à une discipline particulière, notamment le « Livre blanc » qui rassemblait les « confessions » enregistrées après l'attaque du 22 novembre 1970. Antoine Sylla raconte : « Pendant l'impression de ce tome, personne ne sortait jusqu'à la fin de cette impression, pour ne pas qu'il y ait de fuites du "Livre blanc". Le président Ahmed Sékou Touré, lui-même, venait à partir de minuit pour les corrections et restait jusqu'à cinq heures du matin. »
Le site de cette imprimerie à Coléah a d'abord été privatisé au milieu des années 1990, puis a réintégré en 2022 le patrimoine de l’État. Il est fermé et désormais à l'abandon.
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