Germaine Acogny invoque Joséphine Baker et Pina Bausch au Théâtre des Champs-Élysées
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Affronter la scène à 81 ans pour incarner la fougueuse Joséphine Baker : c’est le pari audacieux relevé par la chorégraphe franco-sénégalaise Germaine Acogny. Dans un solo saisissant, la star de la danse afro-contemporaine s'empare des planches du Théâtre des Champs-Élysées à Paris, exactement un siècle après que Joséphine Baker y a fait sensation avec sa Revue Nègre. Elle fait ensuite le lien avec Le Sacre du printemps de Stravinsky dans la version de Pina Bausch revisité par des danseurs de quatorze pays africains, tous formés à son École des Sables au Sénégal.

Loin des clichés du music-hall, des grimaces et des ceintures de bananes, Germaine Acogny incarne une Joséphine Baker d’une dignité rare, poétique, mais tout aussi puissante. « Aux obsèques de Joséphine Baker, quelqu'un a dit : "Elle est morte, mais elle est immortelle". Donc, j'ai voulu donner vie justement à cette combattante, cette femme qui a lutté contre le racisme, qui a adopté des enfants du monde entier, les a élevés et d'une grande générosité. Même actuellement, des gens très riches ne vont jamais adopter douze enfants ! »
Seule en scène, Germaine Acogny retrace en moins de 30 minutes la vie de cette star, mère, espionne et militante afro-américaine. Par touches subtiles, elle évoque un déhanché de charleston, mime le geste de tirer à l’arc et enfile un costume d’Amazone. « Je suis née au Bénin, j'ai grandi au Sénégal. Donc, les Amazones de mon pays, ce sont des guerrières. C'est à travers cette danse des Amazones que je montre la résistante, la combattante, celle qui a libéré les Noirs, les Mexicains, les Indiens et qui a libéré la France aussi ».
Animée par l’esprit de Joséphine Baker, qu’elle a rencontrée à l’âge de 29 ans, Germaine Acogny poursuit aujourd’hui son combat pour les droits civiques : « Jusqu'à présent, ce racisme existe. Et dans les matchs de foot, il y a beaucoup d'Africains dans les équipes internationales qui jouent bien et on leur jette des peaux de bananes. Comme à des singes ! Eh ben, la banane, je l'ai jetée aussi. »
Pour Germaine Acogny, icône de la danse africaine des temps modernes, amener le « Sacre du Printemps », ce rite païen aux rythmes saccadés, en Afrique était une évidence. À travers son école des Sables, cette chorégraphie sublime et tribale prend racine dans la terre.« Rien que ce nom, ça appelle beaucoup les ancêtres. Je me sens vraiment à la source, être en contact avec la terre, avec la communauté », réagit Aziz Zondi, danseur burkinabé. « C’est à la fois contemporain, à la fois doux – avec la douceur de la femme, l’énergie, la force des hommes », ajoute Manuela Hermine, danseuse ivoirienne. « Nous, on le redécouvre à chaque fois qu'on vient pour ce travail-là », renchérit Aziz Zondi.
Déjà salué dans 17 pays, ce Sacre du Printemps plus universel que jamais n’a que rarement été applaudi devant un public aussi divers qu’à Paris.
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