Scènes de crime, suicides et morts naturelles: le nettoyage, double peine des familles
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L’Union nationale des familles de féminicides organisait ce week-end un colloque au Sénat. L’UNFF réclame notamment que le nettoyage de la scène de crime ne soit plus à la charge des familles, comme c’est encore souvent le cas. Et qu’il soit fait par des sociétés spécialisées.

Au printemps 2019, près de quatre mois après l’assassinat de sa mère poignardée par son père, Fanny récupère enfin les clés de la maison familiale. Les scellés ont été levés, mais rien n’a été nettoyé. L’étudiante n’a pas les moyens de payer une entreprise.
« Mes grands-parents ont trouvé quelqu’un dans le village pour aller nettoyer. Ils ont fixé un prix, je crois que c’était 80 euros. Heureusement, j’ai quelqu’un dans mon entourage qui se sentait capable de rentrer dans la maison, pour vérifier que ce monsieur n’était pas en train de nous voler au passage et qu’il aurait finalement bien fait son travail, qu’il ne resterait rien dans ma chambre, raconte Fanny. Je me suis confrontée à ce drame en me disant : "Etsi je n’ai pas les moyens, je devrais nettoyer le sang de ma maman". Et ça, j’ai eu beaucoup de mal à l’avaler pendant un petit moment ».
Depuis avril dernier, un décret permet à la justice d’ordonner le nettoyage d’une scène de crime à ses frais, mais ce n’est pas automatique. Et en cas de suicide ou de décès naturel, c’est à la famille de s’en charger. Baptiste Girardet a ainsi dû laver l’appartement de son oncle, mort pendant la canicule de 2003.
« En face, il y avait un petit supermarché. Je suis allé prendre des articles – des éponges, du grattoir, des détergents et du désinfectant. J’ai pu nettoyer en gros les traces laissées par mon oncle décédé sur son fauteuil. Je n’ai pas pu faire mieux que cela, regrette-t-il. Ni séance de psy, ni autre ne pourra enlever ces images très choquantes. On appelle cela le syndrome post-traumatique, ce sont des images qui vous reviennent à vie ».
« Il faut intervenir sur chaque centimètre carré »
Pour éviter à d’autres familles de vivre cela, cet ancien pompier décide de suivre une formation au Canada et de créer son entreprise : « Ça, c’est le camion d’intervention ». C’est dans un camion tout blanc, par souci de discrétion, que Baptiste Girardet transporte tout ce dont il a besoin. Du matériel de pointe, notamment pour éliminer les odeurs
« Les odeurs de putréfaction s’immiscent dans tout ce qui va être textile et les matériaux poreux et brut. Si vous avez une table en bois non verni, l’odeur va être dans le bois, précise cet ancien pompier. Il faut intervenir sur chaque centimètre carré du volume de la pièce, c’est donc très minutieux. Et la deuxième chose, très technique, ce sont les insectes nécrophages qui sont là pour se nourrir des fluides humains ou morceaux du corps, ajoute Baptiste Girardet. Laisser une seule mouche ou un insecte rampant, c’est retrouver des centaines d’insectes quelques jours après notre intervention ».
Aujourd’hui, ce métier n’est pas du tout réglementé en France. N’importe qui peut s’improviser nettoyeur de scènes de décès. Aux côtés de l’Union nationale des familles de féminicides, Baptiste Girardet milite pour que cela change. Il travaille à la création d’un cahier des charges avec des obligations concernant la gestion des déchets, la vérification des antécédents judiciaires et enfin, des garanties afin qu’aucune photo ne se retrouve sur les réseaux sociaux.
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