Réchauffement climatique, effondrement de la biodiversité et sensibilité grandissante des consommateurs au bien-être animal... Face aux défis environnementaux, certains agriculteurs décident de faire leur part. C'est le cas de ces éleveurs de volailles qui, en plantant des arbres et des haies sur leur terrain, offrent une meilleure vie à leur cheptel et rendent des services écologiques à la planète et à la société. Reportage dans un élevage de poules pondeuse du nord de la France.

Dans la pénombre de ce bâtiment de 100 mètres de long, une foule dense de poules pondeuses. 15 mille au total. Sur le sol, la fiente séchée ressemble à de la terre friable et dégage une forte odeur d'ammoniaque.
« Là, on est au sol, dans une partie qu'on appelle le gisoir, c'est un peu la cour de récré au sein du poulailler », explique Lucie Blary qui s'est installée comme éleveuse près de Cambrai en 2019. « On a accroché des ballots de luzerne, un peu plus loin il y a des gamelles pour qu'elles puissent piquer et là-bas j'ai testé de mettre des bacs à sable avec des coquilles d'huîtres », indique la trentenaire.
Si Lucie Blary fait tout pour divertir ses poules, c'est pour éviter qu'elles s'énervent et se piquent entre elles. Car ces coups de becs peuvent conduire à la mort des plus faibles en cas d'attaque collective. C'est ce qu'on appelle le picage-cannibalisme.
À cause de la grippe aviaire, les poules de Lucie Blary sont confinées depuis novembre. Un crève-cœur pour cette agricultrice qui a planté une centaine d'arbres et arbustes dans la prairie de sept hectares qui entoure son poulailler. Hêtres, saules, érables, noisetiers, néfliers... Des arbres au service du bien-être de ses poules.
Les bienfaits des arbres
« Quand elles sortent, la densité n'est pas du tout la même dans le bâtiment, donc celles qui y restent ont plus de place et naturellement, c'est beaucoup mieux, il y a moins de nervosité », explique Lucie Blary.
La végétation incite les poules à sortir plus loin dans le champ. Elles se sentent protégées des prédateurs par les arbres. Les haies leur servent de repères pour avancer. Et au passage, leur alimentation est plus variée. « Les poules vont chercher les vers de terre et les insectes. Si toutes les poules sont à la sortie du poulailler, il n'y en a pas pour tout le monde. À l'inverse, plus elles vont loin, plus elles explorent et plus il y a de richesses pour chacune », détaille Lucie Blary. De quoi assurer une bonne ponte.
De plus, durant l'été, les arbres offrent de l'ombre aux poules et rafraîchissent la parcelle. Intéressant, alors que les canicules se multiplient.
Engouement
« C'est plein de promesses, on voit que les arbres sont en train de bien s'installer », se réjouit Arnaud Deltour en parcourant la parcelle aux côtés de l'éleveuse. Ce technicien de la Chambre régionale d'agriculture accompagne des projets agroforestiers comme celui de Lucie Blary dans tous les Hauts-de-France. En France, l'agroforesterie est pratiquée par certains agriculteurs depuis longtemps, mais désormais de plus en plus s'y mettent, assure-t-il.
« Ces deux dernières années, on a accompagné un peu plus de 200 agriculteurs qui vont replanter 177 km de haies et on a fait 250 hectares d'agroforesterie. Les deux années d'avant, on n'avait pas une vingtaine d'agriculteurs. On a multiplié l'accompagnement par dix », se félicite-t-il. Les aides de l'État à travers le plan de relance post-Covid, les subventions de la région ou celles de l'Union européenne encouragent les exploitants à sauter le pas.
Grâce aux haies, certains agriculteurs font du bois d'œuvre ou des plaquettes de bois. Lucie Blary, elle, a planté des fruitiers et des arbres mellifères dont ont besoin les abeilles.
« C'est fou comme les saules ont pris » s'enthousiasme l'éleveuse en retournant vers le bâtiment. « Plus tard, on fera de l'accrobranche ici ! »
► À écouter aussi : L'agroforesterie: comment les arbres peuvent sauver l'agriculture
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