Reportage France

Journée nationale d’hommage aux harkis: les réparations font toujours débat

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Promulguée en février 2022, la loi de reconnaissance et de réparation envers les Harkis, des supplétifs de l’armée française en Algérie, a permis la mise en place d’une Commission nationale indépendante d’indemnisation des Harkis (CNIH), dotée d’un budget de 300 millions d’euros. Reportage à Lodève, dans le sud de la France, lors d'une réunion entre les membres de la commission et des représentants de harkis.

Une compagnie de Harkis passe devant la tribune officielle à Alger, le 8 mai 1957, pendant le défilé militaire commémorant la fin de la Seconde Guerre mondiale. (image d'illustration)
Une compagnie de Harkis passe devant la tribune officielle à Alger, le 8 mai 1957, pendant le défilé militaire commémorant la fin de la Seconde Guerre mondiale. (image d'illustration) © Jacques Grevin / Intercontinentale / AFP
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De notre envoyée spéciale à Lodève,

Dès les premières prises de paroles, le ton est donné. « Ce régime d'indemnisation qui est proposé ne peut pas nous satisfaire, lance Abdel Kader Mokhtari, du collectif Justice nationale pour les harkis et du Rassemblement harkis. Quand on propose une indemnisation qui démarre à 2 000€ pour un maximum de 15 000€ avec toutes les souffrances que nous avons connues, moi, je considère que c'est une aumône qu'on fait aux harkis. » 

« Dire que ce n’est rien, que c'est une aumône, les gens ne comprennent pas, parce qu’on est quand même dans une réparation de principes, répond Jean-Marie Bockel, président de la Commission nationale d'indemnisation des harkis. Là, le montant n'est pas dérisoire, mais il est considéré comme faible, insuffisant, etc. Ce que j'entends, je le dis moi-même, c'est irréparable. Cette revendication que vous exprimez clairement sera dans notre rapport annuel. » 

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« On est insultés »

Hormis une réparation financière jugée insuffisante, les harkis dénoncent également une stigmatisation de leur communauté, comme l'affirme Djiemila Aïwaz du collectif Les femmes en colère : « Il y en a qui nous disent jusqu'à maintenant et à nos enfants “rentrez chez vous, vous n’avez rien à faire ici”. On est insultés, et l'État ne fait rien pour ça. Nous avons demandé des sanctions contre ça et ça, ce n’est pas normal. Je ne comprends pas que l'État ne fasse rien. Normalement, ces gens-là devraient être condamnés, parce que beaucoup ont porté plainte, mais ils n'ont pas été condamnés. » 

Selon Youcef Meckchiche, fils de harki, l'indemnisation des préjudices subis par sa communauté ne doit pas être un solde de tout compte : « D'accord, oui à l'indemnisation, mais il y a aussi des problèmes et ça dure depuis des années et des années, depuis 60 ans. Et quand on voit, maintenant, certaines personnes qui ont vécu dans les camps, malheureusement certains vivent dans les rues, l'alcool, la drogue... On est en 2023, il n'y a rien qui est fait. Là, c'est un vrai problème. »  

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Une demande de reconnaissance par l'éducation

Pour Fatiha Mammèche, de l’association Les Harkis, ces Français oubliés, l'État ne se préoccupe d'eux qu'en période électorale, provoquant ainsi une recrudescence des agressions verbales envers les harkis : « À chaque élection, ils nous font sortir de leur chapeau. Après, on est soit la proie des autres communautés, surtout issues de la communauté algérienne, qui commence à nous insulter sur le territoire français. Ils commencent à nous appeler enfant de traître, etc. Alors que ce sont des soldats qui ont combattu pour la France, il ne faut pas l’oublier. » 

La communauté harki réclame une vraie reconnaissance qui doit passer, selon elle, par l’éducation avec l’inscription dans les livres d’histoire de leur vécu, comme ce fut le cas pour celle de la Shoah. 

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