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«C’est de la trahison et c’est scandaleux»: les électeurs de droite entre opposition et désarroi

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Après la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron, la recomposition politique est en train de laisser des cicatrices à droite. Le patron des républicains, Eric Ciotti qui souhaite une alliance avec le Rassemblement national en vue des législatives anticipées a été exclu des républicains à l’issue d’un bureau politique. Et les militants, dans tout ça ? À Neuilly-sur-Seine, où l’on vote traditionnellement à droite, les électeurs rejettent majoritairement l’alliance politique avec l’extrême droite et parfois même la politique tout court.

L'hôtel de ville de Neuilly-sur-Seine, dans les Hauts-de-Seine, près de Paris.
L'hôtel de ville de Neuilly-sur-Seine, dans les Hauts-de-Seine, près de Paris. © Baptiste Coulon/RFI
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Il marche d’un pas pressé, le pull noué autour du cou. Jean-Pierre, retraité, a toujours voté pour les Républicains. Et quand on évoque Eric Ciotti, la critique fuse : « Ce type là n’a aucune valeur. Ce qu’a fait Eric Ciotti est inqualifiable et mérite effectivement qu’il soit exclu de ce parti. ». Tous les ténors des républicains s’opposent à ce rapprochement.

Un parti longtemps dominé par la figure tutélaire de Nicolas Sarkozy. L’ancien président de la République est aussi l’ancien maire de Neuilly-sur-Seine, un poste qu’il a occupé de 1983 à 2002. La ville reste aujourd’hui un bastion d’une droite républicaine et gaulliste. Alors ce rapprochement avec l’extrême droite est une trahison pour François et Christine, qui convoquent l’histoire : « Historiquement, la droite a été contre le RN, que ce soit Jacques Chirac ou Nicolas Sarkozy, se remémore François. C’est une transgression de la part d’Éric Ciotti. C’est tourner le dos à ce qui a fait les valeurs de la droite à certains moments. » Christine embraye : « Pour moi, ce n’est pas le LR tel que je le concevais, tel que je l’ai vécu. Il a carrément brisé un tabou ! »

Un tabou doublé d’une initiative personnelle, électoraliste et sans consultation des militants, poursuit Alain, dont le vote a toujours balancé entre le centre droit et la droite. « À l’époque, des gens comme Bruno Le Maire ou Gérald Darmanin se sont engagés auprès d’Emmanuel Macron, ce qu’ils avaient le droit de faire. Je ne vois pas en quoi c’était une trahison. En revanche, se servir de l’outil dont on est président à contresens, au nom de cette organisation, je trouve que c’est de la trahison et que c’est scandaleux ! »

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« Que voulez-vous que l’on fasse ? »

À Neuilly-sur-Seine, aux élections européennes, c’est le candidat des Républicains François-Xavier Bellamy qui est arrivé en tête avec 28% des suffrages. Mais l’extrême droite fait jeu égal si l’on additionne le score du RN (12%) à celui de Reconquête (16%). Si un ou une députée LR se hisse au second tour des élections législatives, tous nos interlocuteurs l’assurent : ils voteront pour cette personne. Les divisions apparaissent en revanche si cette même personne est soutenue par le Rassemblement national.

« Il y a d’autres personnes modérées avec lesquelles on peut s’entendre », estime un habitant. « Voter pour quelqu’un qui est soutenu par un parti qui ne me plaît pas sera très difficile, estime une autre. Ce que j’espère, c’est que je n’aurai pas à faire ce choix. »

Assis sur un banc face à la mairie, Jean-Pierre, lui, ne ferme pas complètement la porte. « C’est difficile, je ne peux pas vous répondre, je ne sais pas, je verrai avec le temps en fonction de ce que j’étudierai. » Cet ancien militant de Nicolas Sarkozy, ne reconnaît plus les républicains, « dans ce parti, tout se dérobe », juge-t-il. Il s’estime surtout perdu dans le brouillard politique. « Je n’arrive pas à me situer quelque part sur l’échiquier politique. Ça part dans tous les sens. Avant, on avait deux partis, la gauche et la droite, aujourd’hui ça n’existe plus, et on ne sait plus où on en est. » Et le retraité conclut en renvoyant les partis politiques à leurs responsabilités. « Que voulez-vous que l’on fasse ? On n’est pas fautifs de tout cela… »

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