À Mayotte, trois mois après le cyclone Chido, le bilan humain reste incertain
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Selon les chiffres officiels, le bilan humain est de 40 morts et de 41 disparus suite au cyclone Chido. Un bilan très certainement supérieur, car la catastrophe a été la plus mortelle dans les bidonvilles où vivent une majorité de personnes en situation irrégulière. Or, ce public est inconnu et invisible de l’État, ce qui rend le travail de recensement des morts encore plus difficile.

De notre correspondante à Mayotte,
La rentrée scolaire le 27 janvier était attendue pour savoir si les élèves allaient être de retour en classe. Selon les professeurs, il y a eu quelques absents, mais il est difficile de toujours faire un lien direct avec Chido. Cependant, certains, comme Rayka Madani, ne reviendront malheureusement jamais à l'école.
La fillette de 10 ans a perdu la vie le 14 décembre, ensevelie sous la boue. Sa famille habite dans une case en tôle sur les hauteurs de Mamoudzou. Ce jour-là, en danger sous les rafales de vent, les parents ont décidé de partir se réfugier dans une maison en dur, mais sur le chemin, une coulée de boue a recouvert la mère et sa fille. « Je suis restée plus d'une heure dans la boue, raconte sa maman, Kaniza Djamil. J'étais toute seule, je ne pouvais pas l'aider… J'ai essayé, mais je n'ai pas réussi. » La fillette est transférée à l'hôpital et comptabilisée parmi les 40 morts.
Comme c’est le cas avec cette petite fille, c’est dans les bidonvilles que la catastrophe a été la plus meurtrière. Faizi Ali, 28 ans, habitait lui dans celui de Kawéni. Quand le vent a commencé à souffler, il est parti mettre à l'abri ses enfants, mais il n'est jamais revenu. « C'est là que le vent a commencé. Il y a la maison qui est tombée sur nous. Il voulait venir nous récupérer et c'est là que l'auto lui a arraché le ventre, se rappelle sa femme de 24 ans, Saidati Mohamed. J'ai vu des gens, ils sont venus nous récupérer, moi et son fils, son fils aîné. Il y a quelqu'un qui est venu me dire d'être forte, mais que mon mari était mort. Et là, j'ai pleuré, j'ai pleuré. »
À écouter dans L'invité internationalCyclone Chido à Mayotte: «La population n’était pas du tout préparée»
Un bilan officiel « ridicule »
Faizi Ali était en situation irrégulière à Mayotte et gagnait sa vie de petits boulots, réparation de voitures, maçonnerie... Lui aussi a été décompté dans le bilan officiel parce qu’il a été transféré à l'hôpital. Mais beaucoup de décès de personnes « sans-papiers » n’ont pas été déclarés, selon de nombreux observateurs. Puisqu’ils sont inconnus des autorités, leurs proches n’ont pas d’intérêt à demander un certificat de décès. Ce paramètre rend un bilan précis impossible.
Caroline Fivet est médecin à l'hôpital de Petite-Terre, elle a travaillé le jour de Chido. Le bilan officiel est « ridicule », selon elle. Elle-même a vu des enterrements alors qu’elle rentrait du travail avec ses collègues. « On voyait déjà des gens qui étaient en train d'enterrer leurs familles », témoigne-t-elle.
Un de ses collègues, qu’on appellera Martin, confie qu’une quinzaine de familles se sont présentées à l'hôpital de Petite-Terre demandant de venir faire un constat de décès dans leur quartier. Mais les soignants avaient l’obligation de rester sur leur lieu de travail. Il suppose donc qu’elles n’ont pas attendu avant d’enterrer les corps.
La préfecture a lancé une mission de recherche des personnes disparues fin décembre, mais depuis son lancement, le bilan n’a pas progressé.
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