Depuis début septembre, les juges du tribunal correctionnel de Paris décortiquent une vaste escroquerie qui a coûté plus d'un milliard d'euros à des dizaines de milliers de victimes. L'illusion était pourtant parfaite : la société Aristophil, qui avait pignon sur rue à Paris, proposait aux personnes désireuses de placer leur épargne d'acheter de toutes petites parts d'une œuvre d'art, avec une promesse juteuse à la clef : une fois l'œuvre vendue, chacun récupère sa mise, avec intérêts et plus-value. Mais la pyramide de Ponzi finit par s'effondrer en 2014. Dix ans plus tard, 8 000 parties civiles attendent de revoir la couleur de l'argent qu'ils ont investi.

« Émotionnellement, c'est dur. » Les yeux embués de larmes, Sylvie sort de la salle d'audience. Elle vient de raconter à la barre son histoire et comment tout a basculé. À sa droite, sur le banc des accusés : des marchands d'art, des notaires, des courtiers en assurance, soupçonnés d'avoir participé à l'escroquerie imaginée par Gérard Lhéritier, qui comparait libre lui aussi : « C'est tellement des gens lamentables pour moi. Là, les témoignages qu'on a entendus avant moi, ça m'a mis déjà les larmes aux yeux. Donc je crois que de le voir, c'est… je trouve ça dur. »
Un placement présenté comme sûr
En 2010, Sylvie, qui vient de vivre un divorce difficile et de vendre sa maison, décide de placer ces nouvelles économies. La société Aristophil propose justement à des passionnés de littérature comme elle, d'acheter les parts de manuscrits prestigieux avec la promesse de récupérer l'argent lorsque l'œuvre serait vendue, avec en prime 8% d'intérêts par an et la plus-value de la vente : « J'espérais à l'époque récupérer cet argent, bonifié en quelque sorte, pour réinvestir dans un fonds de commerce. Ma vie a été complètement bouleversée. »
Une arnaque parfaitement ficelée, d'après son avocat Nicolas Lecoq-Vallon. Il représente près d'un millier de victimes : « Ces placements, ce n’était pas quelque chose de délirant, c'est un investissement de bon père de famille. On disait, mais écrit noir sur blanc, plutôt que d'aller sur le livret A, pourquoi ne prenez-vous pas un investissement ? Chez Aristophil, c'est tout aussi sûr et vous avez un rendement qui évidemment est beaucoup plus intéressant. Donc, c'est un discours qui était tout à fait crédible et qui pouvait être suivi par des gens qui étaient des gens raisonnables et qui n'étaient pas des spéculateurs. »
Une pyramide de Ponzi bien dissimulée
C'est en 2014 que Sylvie apprend qu'Aristophil est en réalité une pyramide de Ponzi : multiplier les investisseurs pour que les premiers soient remboursés. Mais les derniers arrivés, eux, ne récupéreront jamais leur mise. Sylvie voit donc près de 130 000 euros s'évaporer et son monde s'écrouler : « Le point commun de tout le monde, je trouve, et c'est ça qui est dingue aussi, c'est comme les femmes violées, c'est le sentiment de honte alors qu'on est des victimes. Ces dix années, elles sont passées. Aujourd'hui, je suis à la retraite, mais j'aimerais quand même bien retrouver cet argent. J'ai quand même deux grandes filles qui sont adultes aujourd'hui, et si je pouvais au moins maintenant, à mon tour, les aider elles, ce serait super. »
Au total, 18 000 personnes auraient confié leur épargne à la société de Gérard Lhéritier. Huit mille se sont constituées parties civiles. À l'écoute de leur témoignage, le principal suspect s'est dit « solidaire » des victimes, mais assure qu'elles ne connaissent pas les vrais dessous du dossier.
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