Reportage international

En Cisjordanie, la guerre d'usure contre les bédouins palestiniens

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C’est un petit hameau au nord de la Vallée du Jourdain, en Cisjordanie occupée. Humsa al-Bqai'a, visé sans relâche depuis le mois de novembre, a été détruit pour la septième fois la semaine dernière par l’armée israélienne, malgré les nombreuses visites de diplomates européens. 

Fadwa Abdelghani sort de sa tente dans le village bédouin de Humsah al-Baqia, qui est devenu un point chaud dans la lutte pour la Cisjordanie occupée par Israël.
Fadwa Abdelghani sort de sa tente dans le village bédouin de Humsah al-Baqia, qui est devenu un point chaud dans la lutte pour la Cisjordanie occupée par Israël. JAAFAR ASHTIYEH AFP
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De notre correspondante à Ramallah,

D’Humsa, il ne reste quasiment rien. Au sol, des rouages de bulldozers, des bâches jaunies par la poussière, un frigo à terre et un fauteuil sans ses coussins. Tout le reste a été démoli, confisqué, déplacé par l’armée israélienne il y a plus d’une semaine, mercredi 7 juillet, pour la septième fois depuis le mois de novembre.

La communauté bédouine qui vit là, environ 70 personnes dont 36 enfants, n’a nulle part d'autre où aller. Alors elle reste. Sous une tente de fortune reconstruite le lendemain de la destruction, à quelques centaines de mètres, Aisha Abu al-Kbash, 58 ans, assise en tailleur, raconte. « Quand ils sont venus, on pensait qu’ils allaient juste démolir comme ils l’ont fait les autres fois, on ne s’attendait pas à cette destruction ! C’est la première démolition où ils ont mis toutes nos affaires dehors, où ils ont tout pris, on n'avait plus rien. Et il y avait du soleil, les enfants avait chaud, il brûlait, il faisait 40-45 degrés. On les mettait sous l’arbre, mais on avait peur pour les enfants. Toute la journée, quand ils démolissaient, on était tous dehors et il faisait si chaud. »

Dix-sept personnes vivent dans cette petite tente, sans eau, sans électricité, sans d’intimité. Il y quelques cartons çà et là, un réchaud, un lit de bébé en bois où dort Manar, 8 mois. « Quand ils ont démoli la première fois, elle n’avait que 3 jours », raconte encore Aisha.

La peur d'un déplacement forcé

Pour les bergers qui y habitent, Humsa al-Baqai’a est une large étendue de terres arides où ils vivent et élèvent leurs moutons depuis 40 ans. Mais pour l’armée israélienne, il s’agit de « la zone de tir 903 », une zone militaire, où il est interdit de construire, à moins d’avoir un permis, quasiment impossible à obtenir. Alors des Jeeps passent, des soldats confisquent véhicule ou matériel souvent, ou alors ils démolissent.

« On ne sait pas où on peut aller, mais je ne pense pas qu’on pourra retourner là-bas. Moi, je veux juste vivre ici, normalement, qu’ils nous laissent tranquilles. La situation est très compliquée, très, on ne sait pas quoi faire », se désole Aisha Abu al-Kbash.

Un 4x4 arrive. Ce sont des humanitaires, avec des sacs de vêtements et de l’eau, venus soutenir psychologiquement la communauté. « Ils connaissent l’importance de la santé mentale. Aisha m’a dit qu’elle avait besoin de parler, d’exprimer ses sentiments après cette démolition, car c’était très difficile », indique Noor Donbok, de Médecins du Monde. 

La peur est toujours là, celle d’un déplacement forcé – ce qui constituerait une violation du droit international – vers Ein Shibli, un village à 15 km, où l’armée israélienne a déjà mis leurs affaires. Abdel Ghani al-Awawdeh, 52 ans, barbe grisonnante, qui reçoit dans son enclos à moutons, refuse : « Il n’y a pas de place là-bas. Et les gens qui y vivent ont déjà des problèmes avec les colons. »

Lui n’a aucun espoir, ni en l’Autorité palestinienne, ni en la communauté internationale.  « Les diplomates sont venus juste avant la démolition, dit-il, qu’est-ce que ça a changé ? »

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