Bloody Sunday: 50 ans après, Derry réclame toujours justice
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Près de 50 ans après le « Bloody Sunday » de Derry, lors duquel 14 personnes ont été tuées, la justice britannique a abandonné au début du mois de juillet les charges contre le soldat F, accusé de deux meurtres et six tentatives. Une énorme déception pour la petite ville d'Irlande du Nord.

De notre correspondante à Dublin,
Au musée de Derry Libre, des tas d’affiches et de vidéo racontent ces semaines de tension de janvier 1972. « Quatorze personnes ont été tuées le jour du Bloody Sunday. Ces gens ont tué la ville avec. Ils ont eu un impact énorme sur la ville et ses habitants », raconte John Kelly.
Ce dimanche 30 janvier 1972, les catholiques organisent une marche pour les droits civiques. L’armée britannique ouvre le feu, faisant 14 morts dont 7 mineurs, et 14 blessés. John Kelly voit son frère mourir d’une balle dans le ventre.
« C’est le soldat F qui a abattu Michael. Nous avions beaucoup d’espoir quant aux poursuites, mais on nous a fait comprendre que les charges pourraient être abandonnées. Les dépositions des soldats de 72 ne peuvent pas être utilisées contre eux parce qu’ils n’avaient pas d’avocat avec eux. Je suis déçu et en colère à l’idée que le soldat F ne paiera pas pour ses assassinats. »
Justice
La campagne pour faire condamner le soldat F, dont il est interdit de donner le nom, a commencé en 1992. « Et ce que nous souhaitons, actuellement, c’est la justice, à laquelle mon frère a droit, à laquelle nous avons droit. Plus vite elle sera rendue, mieux ce sera : de nombreux proches sont décédés, ma mère et mon père sont morts… Et ce n’est pas que pour nous, affirme encoreJohn Kelly. C’est pour l’ensemble de la société. Derry, l’Irlande, le monde. La justice ne sera rendue que quand elle sera visible. »
Le septuagénaire, qui n’a jamais quitté la ville, travaille aujourd’hui au musée de Derry Libre, pour entretenir le devoir de mémoire. Autour du Bogside, sous la fresque d’une colombe de la paix multicolore, Joe, 70 ans, et Daniel, né après le Bloody Sunday, suivent les développements judiciaires.
« Nous sommes très forts pour critiquer les autres pays et leurs manquements à la justice. Mais notre justice à nous, elle est où ? Le gouvernement britannique ne veut pas. Malheureusement, et ça me brise le cœur de dire ça, mais ces familles n’obtiendront jamais justice », pense Daniel. « Je suis né en 1977, mais j’ai entendu toutes les histoires, des gens qui ont perdu des proches… Les Britanniques ont commis des meurtres en toute impunité. C’est un scandale », fulmine Joe.
Une majorité de catholiques habite la ville, aussi appelée Londonderry par les protestants. La question de la justice dépasse les clivages religieux, estime Jane Buckley, née à Derry et autrice d’un roman sur les Troubles. « Nous avons tous besoin de faire notre deuil. Quiconque ayant commis des atrocités pendant la guerre civile doit payer et les familles doivent être reconnues victimes. C’est interminable… Nous en avons assez. La ville en a assez. Le pays en a assez. » Les familles ont fait appel, la justice doit rendre sa décision en octobre prochain.
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