Grèce: à Lesbos, après Moria, un camp de plus en plus fermé
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Sur l’île grecque de Lesbos, le camp de Moria, devenu un symbole des flux migratoires à destination de l’Europe, a été détruit par un incendie en septembre 2020. Depuis, une structure temporaire, dite « centre d’accueil et d’identification », a vu le jour sur le site de Mavrovovouni. Un espace surveillé à l’accès contrôlé, enclavé entre la route et la mer, qui limite beaucoup la liberté de mouvements des quelques 2 200 demandeurs d’asile qui s’y trouvent actuellement. À l’avenir, en théorie d’ici la fin 2022, les autorités grecques envisagent la création d’un nouveau camp, financé par l’Europe et similaire à ceux de Samos, Kos et Leros, et dont l’apparence évoque celle d’une prison. Joël Bronner s’est rendu dans ce camp de réfugiés.

De notre envoyé spécial à Lesbos,
« On sent que nous sommes enfermés quelque part. Enfermés comme si on n’a pas droit à la vie. » Comme ce Congolais de 31 ans, de nombreux demandeurs d’asile se sentent comme emprisonnés dans le camp de Lesbos, qui a remplacé celui de Moria fin 2020. Kamille Mobaki, lui aussi Congolais, est sur l’île depuis deux ans : « Ici, c’est une sorte de prison. On ne peut sortir qu’une fois par semaine. Et le temps passé dehors est limité. Au moins, en prison, vous connaissez la durée de votre peine, vous savez si c’est deux, quatre ou six ans… Maintenant ça fait deux ans que je suis ici et peut-être que j’y serai pendant cinq ans, je n’en sais rien. Nous ne savons rien et nous perdons espoir. »
Assise près de trois policiers en faction, un bébé sur les genoux, c’est à demi-mot que la Camerounaise Vicky Chalene donne son point de vue sur Mavrovouni : « Pour le moment, on ne peut rien dire, parce que on n’a même pas encore les papiers et tout et tout, donc si on commence à parler, là… Les conditions de vie ne sont pas faciles. Eux, ils font de leur mieux… Vous-mêmes, vous voyez : à côté de la mer, le froid, le vent et tout et tout, avec des enfants… Voilà, elle a déjà [passé] 2 ans ici. Donc les enfants qui ont besoin d’aller à l’école, ils ont besoin, ils n’ont pas demandé à naître. »
« Le gouvernement nous traite comme des animaux »
Francis Mutemba, du Congo, évoque, lui, entre autres choses, la saleté du camp et la présence de souris qui laissent régulièrement, dit-il, des crottes sur son couchage : « Le camp est près de la mer, vous ne pouvez pas y passer votre vie, il fait extrêmement froid ici. Même en été par moments, il fait froid. Cet endroit était un ancien terrain de l’armée, ce n’est pas un endroit pour vivre. En plus, le sol est contaminé par le plomb. Je ne comprends pas le gouvernement grec, ils nous traitent comme des animaux. C’est injuste, le système est injuste. »
Alors que la pluie tombe à grosse gouttes sur Mythilène, la capitale de Lesbos, Liza Papadimitriou, qui représente MSF, souligne que les migrants sont de plus en plus traités comme des criminels : « Nous sommes poussés à modifier nos opérations et à nous rapprocher du camp parce que les gens ne peuvent pas en sortir. Ils sont soumis à des restrictions de mouvement discriminatoires sous le prétexte du Covid, alors que pour le reste de la population, ces mesures ne sont plus en vigueur. Et, bien entendu, cela a un impact sur leur accès à nos soins. »
Toutes les personnes croisées ce jour-là à Mavrovouni avaient déjà eu au moins un ou deux rejets de leur demande d’asile. Parfois plus. Mais en l’absence de solutions, ils restent enfermés en Grèce, à Lesbos, dans le camp qui a succédé à Moria. Enfermés dans ce rejet.
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