Il y a un an, le 4 avril 2021, le prince Hamza, demi-frère du roi de Jordanie, était arrêté pour fomentation d’un coup d’État. Dans la foulée, les autorités annonçaient la modernisation du régime jordanien. Mais un an plus tard, c’est tout l’inverse que dénonce l’opposition. Activistes politiques et ONG alertent sur l’attitude autoritaire du pouvoir et la répression quasi systématique des journalistes et opposants au régime.

Installé dans son bureau au nord d’Amman, Jamil Al-Hajaj revient sur sa dernière arrestation, en date du 24 mars. Ce jour-là, ce militant du mouvement jordanien cherchait à se rendre à un rassemblement en mémoire des manifestations du printemps 2011.
« Je revenais du travail et des hommes en civil se sont arrêtés près de ma voiture. Ils m’ont entouré de chaque côté, ont ouvert les portes et m’ont emmené au commissariat. Je leur ai demandé pourquoi j’étais recherché, mais je n’ai pas eu de réponses. Personne ne savait où j’étais, on ne me disait rien et ils m’ont retenu pendant 12 heures sans raison. »
Assis à côté de lui, Omar Abu Rassa, aussi activiste, acquiesce : « Ils nous encerclent un peu plus chaque jour. C’est devenu une partie de mon quotidien et c’est de plus en plus inquiétant, car ils nous emmènent avant même que l’on ait commencé les rassemblements. L’idée est de stopper toute activité d’opposition et de faire peur aux autres, de dire si vous suivez ces militants et si vous allez exprimer votre opinion dehors, vous aurez des problèmes. »
Les autorités justifient ces arrestations par le recours aux lois antiterroristes ou contre la cybercriminalité. Mais pour cette activiste politique, qui préfère garder l’anonymat, ces poursuites judiciaires ne sont que des prétextes pour harceler l’opposition.
« Je suis poursuivie en justice pour chaque chose que je peux écrire sur les réseaux sociaux et où j’exprime mon opinion. Je vous laisse imaginer les efforts, le temps que cela prend d’aller au tribunal aussi régulièrement, de devoir embaucher des avocats, et tout l’argent que cela représente. »
► À lire aussi : Vague d'arrestations d'opposants au régime en Jordanie
Une répression masquée
En janvier, le régime a aussi présenté une réforme constitutionnelle, censée moderniser le Royaume. Mais pour l’opposition, cette dernière ne fait que renforcer les pouvoirs du monarque. Un double discours expliqué par Camille Abescat, doctorante en sciences politiques à l’Institut français du Proche-Orient.
« On a un discours de modernisation politique et en même temps une centralisation du pouvoir politique avec notamment la création d’un conseil de sécurité, où tous les membres sont nommés par le roi, précise Camille Abescat. Cet organe vient vider encore plus le Parlement de tout rôle politique. Alors qu’avant il fallait 10 députés pour demander un vote de confiance au Parlement, maintenant il faut au moins 25%. »
Parmi les raisons de la crispation du Royaume : la crainte d’un retour des mouvements populaires de 2011 ou 2018 qui avait rassemblé plusieurs milliers de Jordaniens dans la rue. Aujourd’hui, le régime se retrouve à nouveau dans une position de faiblesse, selon Sarah Leah Whitson, à la tête de l’ONG Démocratie pour le monde arabe.
« L’instabilité du régime a explosé en Jordanie à cause des révélations de corruption de la famille royale dans l’affaire du Crédit suisse ou des Pandora Papers, mais aussi après la menace de la tentative de coup d'État du prince Hamza l’année dernière. Le tout alors que le peuple souffre et les prix comme le chômage augmentent. »
La répression s'intensifie aussi contre la presse. En mars, six journalistes jordaniens ont été poursuivis et arrêtés pour diffusion de fausses nouvelles.
NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail
Je m'abonne