Argentine: dans la province de Santa Fe, les espoirs déçus des agro-dollars
Publié le :
Alors que le cours des matières premières s’envole depuis le début de la guerre en Ukraine, l’Argentine se prend à rêver d’agro-dollars. Le pays est en effet un grand exportateur de soja et de céréales, et a cruellement besoin de devises étrangères pour rembourser sa dette et lutter contre l’inflation qui atteint des niveaux records, +58 % sur un an. Mais pour l'économie argentine comme pour les agriculteurs que notre correspondant Théo Conscience a rencontrés dans la province de Santa Fe, la conjoncture internationale s'est révélée être à double tranchant.

De notre correspondant à Buenos Aires,
Quelques poules, une douzaine de chèvres, quelques cochons aussi.
« Ici, on a de tout », s’amuse Carlos Ferrari en montrant sa ferme dans la localité de Pujato. Mais ce qui fait vivre cet agriculteur de 66 ans, c’est la centaine d’hectares qu’il répartit entre ses vaches et ses plantations.
« On est en train de traiter la terre pour semer le blé, et on a aussi des animaux, donc on ne s’arrête jamais ici. »
Une flambée des coûts de production
Le blé sera bientôt prêt à être semé, et derrière une grange on aperçoit trois silos remplis de soja fraîchement récoltés. Pourtant, malgré les prix records atteints par les céréales et les oléagineux depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, l’agriculteur fait grise mine.
« Les prix sont bons, mais cette année a été mauvaise en termes de précipitations. On a calculé qu’on a perdu la moitié de la récolte de soja. Donc, les prix ont aidé, et heureusement, car sans ça on aurait dû mettre la clé sous la porte. »
À la sécheresse, il faut ajouter la flambée des coûts de production. Car si le cours des céréales s’est envolé avec le conflit en Europe, ceux du carburant et des engrais ont connu le même sort.
Marcos Giacomoni est le responsable de la coopérative à laquelle appartient Carlos Ferrari : « Ici, il y a une grande usine d’engrais, Profertil, mais à cause de la pénurie de gasoil, elle ne va pas pouvoir fournir tous les producteurs, donc il va falloir en importer. »
Le secteur agricole largement taxé
Autant de facteurs qui laissent aux producteurs de soja le sentiment d’être passés à côté d’une opportunité, sentiment d’autant plus amer que le gouvernement a augmenté mi-mars les taxes à l’exportation sur les dérivés du soja.
« Aujourd’hui, la situation en Argentine est très compliquée à cause de l’inflation. Malheureusement, il n’y pas de dollars dans le pays, donc une manière de remédier à cela est de ponctionner un peu plus le secteur agricole. »
Selon le gouvernement, la mesure affecte les exportateurs de soja, pas les producteurs. Cependant, Julio Calzada, directeur des Études à la Bourse de commerce de Rosario, ne partage pas cette analyse : « Dans les faits, les exportateurs ont des méthodes pour prévoir leurs coûts, et quand les taxes à l’exportation augmentent, ils le répercutent. Donc d’une certaine manière, ce sont les producteurs qui finissent par payer. »
Selon une étude de la Fondation agricole pour le développement de l’Argentine, la rente sur les cultures de soja est taxée à près de 70 % par l’État, qui a cruellement besoin de ces agro-dollars pour lutter contre l’inflation et rembourser sa dette souveraine.
NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail
Je m'abonne