Le pain risque-t-il de devenir un produit de luxe en Espagne?
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Depuis l’invasion russe, les prix flambent et affectent directement les premiers grands utilisateurs de farine, à savoir les boulangers. C’est le cas de Javier. Le jeune artisan boulanger a fait le pari d’offrir un pain naturel, mais aujourd’hui, il peine à maintenir son négoce.

Un reportage à retrouver dans son intégralité dans accents d’Europe.
D’un geste sûr, Javier enfourne une dizaine de chapatas, un pain rond de farine de blé qui laissera cuire une quarantaine de minutes. Pendant ce temps, il prépare le levain pour les baguettes et les boules du lendemain. Depuis deux ans, ce boulanger reconverti se lève chaque jour à 4h30 du matin pour faire tourner l’unique boulangerie de Peraleda de la Mata, un village de quelque 2 000 habitants à une heure et demie de Madrid.
Aujourd'hui, il doit affronter la hausse des prix des céréales. « L’augmentation des prix pour ce qui concerne la farine a commencé dès la fin 2021, il s’agissait d’une hausse normale, acceptable pour cette matière première. Mais juste avant qu’éclate la guerre en Ukraine, cela a commencé à monter en flèche et là, ça ne s’arrête plus. »
L’Espagne est le principal importateur de blé de l’Europe, suivi de l’Italie. Ses principaux fournisseurs ne sont autres que la Russie et l’Ukraine. Une dépendance qu’elle paie au prix fort : « C’est chaque fois plus difficile de trouver de la farine. Il faut pouvoir planifier à l’avance. Mais évidemment, nous, les artisans, on n’a pas les mêmes capacités de stock que les industriels, déplore le boulanger. En plus, ce sont des farines plus délicates, sans conservateur. On doit les consommer dans les deux mois. »
Les artisans, grands perdants
Face aux fabricants industriels, les artisans boulangers sont les grands perdants dans ce contexte économique défavorable, comme l’explique Javier : « On va pouvoir tenir quelque temps, mais à long terme, c’est invivable. Les petites boulangeries vont disparaitre, seuls les grands industriels vont résister, car ils peuvent travailler avec une certaine marge. Ils produisent 4 000 à 6000 baguettes par jour, ils peuvent perdre 10 centimes pas baguette, mais nous autres, on ne peut pas. Ici, on fabrique entre 100 et 200 pièces de pain par jour et on ne va pas tenir le coup. »
Comme dans tous les secteurs de l'alimentation, cette hausse des prix des matières premières se répercute sur les produits vendus aux consommateurs : « Le pain est notre aliment de base, c’est notre tradition et on le retrouve sur toutes les tables et dans toutes les familles. Mais si cela continue comme ça… Oui, les produits à base de céréales vont devenir un luxe. »
Pour ce client belge qui a sa seconde résidence à Peraleda de la Mata, cette hausse des prix n’est pas non plus étonnante : « l’inflation est mondiale. Quand je vois les prix ici, je m’imagine que pour les Espagnols, ça doit être un peu plus difficile que chez nous. »
Le syndicat des patrons boulangers a exigé des solutions pour freiner cette inflation. Pour l'instant, seule une aide a été annoncée pour compenser la hausse du prix de l’électricité qui a plus que doublé, provoquant la ruine de nombreux commerçants.
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