Reportage international

Pourquoi les Jordaniens aiment toujours Saddam Hussein

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Malgré les crimes de guerre et contre l’humanité commis sous son règne, la figure de Saddam Hussein reste très appréciée en Jordanie. Le visage du dictateur apparaît sur les voitures, des cartes à jouer, de la monnaie et même sur les réseaux sociaux. Une passion toute particulière aux Jordaniens, héritage des bonnes relations qu’entretenait l’Irak de Saddam Hussein avec le Royaume hachémite.  

Des anciens dinars irakiens à l'effigie de Saddam Hussein, en vente dans un marché d'Amman, en Jordanie.
Des anciens dinars irakiens à l'effigie de Saddam Hussein, en vente dans un marché d'Amman, en Jordanie. © Getty Images/Joel Carillet
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Dans cette boutique du centre-ville d’Amman, il est possible d’acheter d’anciens dinars irakiens où figure le portrait de Saddam Hussein. Eynad est le propriétaire et, selon lui, ce sont ces souvenirs qui se vendent le mieux. « J’en vends 5 000 par mois, même si ça ne vaut rien, car ici nous aimons Saddam, et tout le monde se souvient de lui », raconte Eynad.

Ce Jordanien de 35 ans a grandi dans les années 1990, au plus fort des relations entre l’Irak et la Jordanie. À l’époque, la population du Royaume bénéficiait de bourses scolaires et profitait des prix avantageux du pétrole grâce aux subventions du régime de Saddam Hussein. Eynad se souvient des premiers chantiers publics initiés grâce aux aides irakiennes. 

Saddam Hussein est le premier à avoir ouvert des routes entre nos pays. Par exemple, la route d’Aqaba, dont les Jordaniens profitent encore bien après sa mort. Lors de son exécution, tout le pays était choqué. J’étais en classe et nous avons pleuré. J’ai encore des photos de lui chez moi et à chaque fête de l’Aïd nous sacrifions un mouton pour lui. 

Des positions appréciées par les Jordaniens

Les positions du dictateur contre Israël sont aussi appréciées par les Jordaniens, dont plus de 50 % sont d’origine palestinienne. C’est le cas de Mohammed, qui regarde avec attention les porte-clés à l’effigie de Saddam Hussein. « Nous aimons cet homme. Il a été le premier à arrêter Israël. Il a envoyé 49 roquettes sur eux et a demandé : qui enverra la cinquantième ? Quel pays enverra la cinquantième ? Lui au moins a fait quelque chose, quelque chose d’important que personne n’avait fait ou pensé à faire avant », pense-t-il.

La figure du dictateur a également inondé les réseaux sociaux. Les plus jeunes comme Ahmed, 25 ans, y partagent des vidéos de son procès, des anciennes interviews ou encore des photomontages élogieux. « Il y a plein de vidéos que je télécharge sur WhatsApp et sur internet en l’honneur de Saddam », dit Ahmed. « J’ai un compte TikTok avec un demi-million d’abonnés et un compte Snapchat avec 50 000 abonnés où je poste du contenu. C’était un homme, un vrai homme, même un chevalier », ajoute-t-il. 

La Jordanie, « l’un des rares pays à être resté aux côtés de Saddam »

Ahmed conteste les crimes imputés au dictateur irakien et invoque la légitime défense. Une thèse courante en Jordanie et longtemps alimentée par le gouvernement, selon Amer Al Sabaileh, chercheur en sciences politiques à l’Université de Jordanie. « La Jordanie est l’un des rares pays à être resté aux côtés de Saddam », explique Amer Al Sbaileh. « Il y avait une très forte promotion du dictateur et les sources d’information étaient très limitées. Même le massacre d’Halabja n’a pas été traité. Les Jordaniens n’ont pas vu à quel point tout ça était effrayant et dangereux. »

Halabja, du nom de l’un des plus grands massacres du XXe siècle, orchestré par Saddam Hussein en 1988. 5 000 Kurdes ont été tués à l’arme chimique.

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