Reportage international

Sri Lanka: Colombo Port City, une zone économique attrayante à l'autonomie inquiétante

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Le Sri Lanka traverse depuis le début de l’année la pire crise économique de son histoire, les caisses de l’État sont quasiment vides, et le gouvernement a dû cesser le remboursement de ses emprunts étrangers pour essayer de résorber les pénuries d’essence et d’autres biens importés. Dans ce contexte, une énorme zone franche, créée par une entreprise chinoise sur la baie de Colombo, vient de sortir de terre. Ses promoteurs affirment qu’elle représente une chance d’attirer de nouveaux investissements étrangers. Mais cette zone, qui fonctionne de manière autonome et avec peu de contrôles, pourrait aussi faciliter la conduite des transactions financières douteuses. 

Sur l’île de Colombo Port City, ce début de marina est l’un des seuls projets sortis pour l'instant de terre. Et les promoteurs cherchent de nouveaux investisseurs, principalement dans le milieu de la finance ou de l’hôtellerie.
Sur l’île de Colombo Port City, ce début de marina est l’un des seuls projets sortis pour l'instant de terre. Et les promoteurs cherchent de nouveaux investisseurs, principalement dans le milieu de la finance ou de l’hôtellerie. © RFI/Sébastien Farcis
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De notre envoyé spécial à Colombo,

C’est une île de plus de 260 hectares, qui vient de naître sur la baie de Colombo, devant le palais présidentiel. Une île spéciale, toutefois : c’est une zone franche, où la plupart des taxes et règles bancaires sri-lankaises ne s’appliquent pas, et qui n’accepte que des devises étrangères. Bienvenue à Colombo Port City : « Cette nouvelle marina pourra bientôt accueillir plus de 125 yachts. C’est la première marina du Sri Lanka et il y aura aussi des magasins et un club nautique », espère-t-on.

C’est la compagnie chinoise CHEC qui a bâti ce gigantesque polder, pour 1,3 milliard d’euros. Cette société, contrôlée par l’État chinois, détient en échange les deux tiers des droits d’exploitation des terrains commerciaux de l’île. Pour l’instant, seuls ce début de marina et des clubs balnéaires ont été construits, mais à terme, cette zone franche veut surtout attirer des sociétés de la finance.

« Nous présentons Port City comme un point de repère idéal pour faire des affaires en Asie du Sud », déclare Thulci Aluwihare, le directeur adjoint de CHEC Port City Colombo. « C’est une plateforme offshore, comme le Luxembourg ou l’île Maurice ; vous investissez en devises étrangères, vous faites des affaires, et vous en ressortez sans devoir les convertir. »

La crainte d’une transformation en un lieu de blanchiment d’argent

Cette zone économique spéciale jouit toutefois d’une autonomie qui inquiète : elle est gouvernée par une petite commission qui décide de tout et n’est responsable que devant le président. Le Parlement n’a qu’un accès restreint à ses opérations. Surtout, comme cette commission opère en dehors du contrôle bancaire du pays, beaucoup craignent que Colombo Port City ne se transforme en une place de blanchiment d’argent.

« Le gouvernement n’a aucun contrôle sur les casinos qui y seront installés et le Trésor ne peut enquêter sur place que sur recommandation de la Commission », explique Thisath Wijayagunawardane, conseiller juridique pour le parti d’opposition SJB. « Donc, si la Commission le veut, elle peut faire de Port City un paradis du blanchiment d’argent. Ainsi, non seulement l’État ne perçoit pas de taxes sur ces affaires, mais en plus, la réputation du Sri Lanka risque d’être entachée. »

Des étrangers peuvent également siéger à cette commission, ce qui en fait une nouvelle porte d’entrée possible pour la Chine ou l’Inde voisine. Deux pays qui cherchent à influencer la politique de cette île stratégique de l’océan Indien.

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