En Chine, Xi Jinping et le retour du culte de la personnalité
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En Chine, le XXe congrès Parti communiste chinois (PCC) commence dimanche 16 octobre à Pékin. La réunion doit permettre de désigner les nouveaux membres du comité permanent du parti et de prolonger le mandat de Xi Jinping à la tête du pays. C’est une première depuis Mao, le président chinois bénéficiant comme le grand timonier, d’un véritable culte de la personnalité.
De notre correspondant à Pékin, Stéphane Lagarde et avec Louise May du bureau RFI à Pékin,
« Oncle Xi on t’aime ! » lance la foule sur ces images diffusées par la télévision d’État. Seize épisodes ont été programmés jusqu’à la veille du Congrès. Xi Jinping, sa vie, son œuvre, où l’on apprend notamment que le président chinois parle… la langue des signes !

Xi Jinping en Mao 2.0
De la propagande à la faucille et au marteau comme dans cette échoppe de bijouterie et souvenirs de Kunming, dans le sud-ouest de la Chine. Médaillons, assiettes décorées, il n'y en a ici que pour Xi, ou presque…
« Ça c’est Xi et Mao, le président Mao… » Il n’y a pas le président Hu ? « Non, il n'y en a pas ! ». Et Deng Xiaoping ? « Non plus ! »
Le culte et les deniers du culte. L’omniprésente distance du chef de l’État infuse le quotidien des Chinois via les médias officiels. Un visage débonnaire qui a valu à Winnie l’Ourson d’être censuré en Chine, présent sur les écrans géants des mégalopoles et sur les murs des campagnes.

Dans les livres aussi. Des dizaines d’ouvrages consacrés à la pensée du chef de l’État sont parus ces derniers mois, à en déboussoler ce libraire. « Cet ouvrage reste en rayon jusqu’à fin octobre en raison du XXe Congrès. Moi je n’y connais pas grand-chose, mais si vous n’êtes pas universitaire, celui-ci se vend bien ; c’est sur la façon dont Xi Jinping a réduit la pauvreté. Bon, mais de toute façon, ce ne sont pas des livres que tout le monde peut lire. Si vous n’êtes pas spécialiste en la matière, il est inutile de s’y plonger. »

Des spécialistes qui étudient la pensée Xi Jinping, quand d’autres l’enseignent de l’école primaire à l’université. En juillet 2021, un centre de recherches sur « la pensée économique de Xi Jinping » a ainsi été créé au sein de la Commission nationale pour le développement et la réforme, portant à 18 les centres d'études de la pensée du président chinois en Chine. Les écrits du président sont également présents dans les programmes télévisés. Après l’émission « Étudier Xi » sur une chaîne de la province du Hunan, une émission « Étudier Xi immédiatement » a été diffusée sur les écrans de Mongolie intérieure. « On a des académiciens qui viennent acheter ce genre de livres, explique la caissière d’une librairie Pékinoise. Beaucoup cherchent ces ouvrages dans le cadre de leurs études aussi. On a beaucoup d’unités de travail aussi. »
Dans chaque « unité de travail », et notamment les entreprises publiques, les cadres sont invités à se plonger dans les grands livres blancs du président, quand d’autres étudient directement ses écrits sur les applisi. Le chef de l’État est présenté à longueur d’articles comme celui qui a permis à de nombreuses régions de sortir de la pauvreté, avec des « idées présidentielles » quasi miraculeuses. Dans la région autonome du Ningixia, Xi Jinping a encouragé la plantation de vignes dans le désert.
Le village de Huangdu, dans la province orientale du Zhejiang, serait ainsi devenu riche en cultivant du thé « grâce aux paroles de Xi Jinping ». Et à Zhangbei, dans la province du Hebei, dans le nord de la Chine, le chef de l’État a suggéré aux agriculteurs de changer le type de pommes de terre qu’ils plantaient, rapporte la BBC
Un culte associé à la censure, qui contraint les opposants à faire attention quand ils abordent les questions liées au numéro un chinois. Certains n’osent plus prononcer son nom, nous confie un avocat des droits de l’homme. « Je n'ose pas en parler en réalité. Si j'envoie un message à quelqu’un avec son nom, la sécurité d’État le saura aussitôt. Et si vous utilisez un surnom, une image, ils le sauront aussi et peuvent vous envoyer en détention. Il est encore plus sévère que les empereurs. Fondamentalement, il n'y a presque personne qui a le pouvoir de l’affronter. »
En cinq ans, le chef de l’État a renforcé son pouvoir au sein de l’appareil. Les censeurs veillant à effacer tout ce qui viendrait nuire à son image publique, comme lors d’un accrochage de banderoles et de slogans hostiles à son encontre sur un pont de Pékin cette semaine. Même l’usage des surnoms est surveillé : « Je n’avais jamais connu un président chinois avec autant de surnoms sur Internet, poursuit cet avocat. L’ancien président Jiang Zemin en avait aussi, mais pas autant. Alors il y a des surnoms : « tête de cochon, Baozi (beignet vapeur), etc. Mais si vous avez le malheur de publier ou d’échanger ces surnoms sur WeChat ou d’autres réseaux chinois, cela peut être considéré comme un crime. »
Crime de lèse-majesté et gare à ceux qui s’opposent au président ! Dans la Chine de Xi Jinping, plus d’1,5 million de cadres et dirigeants du parti sont tombés dans le cadre d’une vaste campagne anti-corruption.
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