Un an après la «loi Riders» en Espagne, le salariat ne fait pas forcément rêver les livreurs
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Un an après la « loi Riders », qui oblige les entreprises de livraison de nourriture à domicile à signer un contrat de travail auprès de leurs livreurs, certaines désobéissent.

De notre correspondant à Madrid,
La scène se passe calle San Bernardo, dans le centre de Madrid, aux abords d’une pizzeria fameuse. Plusieurs livreurs, qu’on appelle ici des « riders », attendent leur tour pour récupérer leur commande, avant de la livrer au client qui les a contactés à travers l’application.
Ces applications appartiennent à diverses multinationales qui contrôlent ce marché en pleine expansion : Glovo, Uber Eats, Getir, Block, ou Just Eats, un groupe hollandais considéré comme le bon élève du gouvernement, car l’ensemble de ses 2 000 riders ont un contrat, avec tous les avantages et la quiétude que cela est censé apporter.
Il y a un an, le gouvernement de Pedro Sanchez a fait adopter la « loi Riders », qui oblige les entreprises de livraison de nourriture à domicile à signer un contrat de travail auprès de leurs livreurs. Mais toutes ne le font pas, loin de là. Glovo, le leader de ce marché, a ainsi écopé d’une sanction de 118 millions d’euros pour employer des répartiteurs à leur compte. Le gouvernement veut désormais les poursuivre en justice. Glovo emploie 2 000 répartiteurs par contrat, et 10 000 à leur compte. Invoquant une concurrence déloyale, les autres multinationales suivent les pas de Glovo ou recourent à d’autres méthodes pour contourner la loi.
Abdelgufur, 23 ans, originaire du Bangladesh, travaille depuis un an et demi pour Just Eats. Il est favorable à la loi, car pour lui avoir un contrat de travail est la solution la plus confortable. « Je préfère le contrat, je travaille mieux de cette façon. J’ai deux jours de repos par semaine et chaque année, j’ai l’équivalent d’un mois de salaire supplémentaire », explique-t-il.
Tous disent que c’est un monde très concurrentiel où il faut se battre constamment. La plupart circulent avec des vélos électriques, pédalent de longues heures chaque jour. David, 21 ans, travaille pour Glovo depuis deux ans. Il sait que son entreprise ne respecte pas la loi, mais ce n’est pas ce qui le préoccupe. Lui a choisi de travailler à son compte. « J’aime être autonome, car je dispose de mon temps, et mon travail est mieux récompensé. Ce que j’aimerais, c’est que les impôts soient moins élevés et que Glovo augmente le tarif horaire de livraison pour gagner un peu plus. Ce qui est clair quand tu es à ton compte, c’est que si tu ne travailles pas, tu ne manges pas », dit-il.
David gagne les bons mois 1 500 euros après impôts, travaille dix heures par jour, ne dispose que d’un jour de repos par semaine, et ne prend que quelques jours de vacances par an, car tout arrêt signifie perdre de l’argent à ses yeux.
Pablo, un grand jeune homme châtain de 26 ans, connaît bien les deux statuts. Il a d’abord travaillé à son compte six mois pour Uber Eats, puis lorsque la « loi Riders » est entrée en vigueur en août 2021, son entreprise lui a signé un contrat de travail. Mais au bout de huit mois, il a décidé de son plein gré de redevenir un livreur à son compte – « autonomo » dit-on ici –, car Uber Eats le lui a proposé. « Quand tu es sous contrat, tu as des horaires à respecter et des objectifs à remplir. Et pour le reste, les inconvénients sont les mêmes car tu dois apporter ton matériel de travail à disposition de l’entreprise », indique-t-il.
Depuis son retour en tant que travailleur à son compte, Pablo est passé de gagner 1 000 euros par mois à 2 000 euros. C’est plus de commandes et de déplacements, mais outre qu’il gagne le double, il se sent plus libre. Comme beaucoup de livreurs, Pablo n’apprécie guère la « loi Riders ». Il estime qu’elle a un coût social élevé et que finalement ce sont les livreurs qui comme toujours en paient le prix fort.
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