Japon: l'enfer des personnes employées au salaire minimum
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À l'issue de longues et âpres négociations entre le gouvernement japonais et les partenaires sociaux – patrons et syndicats –, le salaire minimum vient d'être augmenté de 3,3 %. Mais le compte n'y est pas pour les quelque 25 millions de travailleurs concernés. Avec un Smic horaire très bas, cette revalorisation compense à peine l'inflation. Les smicards japonais peineront toujours autant à boucler leurs fins de mois.

De notre correspondant à Tokyo,
Au Japon, 40 % des salariés n’ont qu’un emploi précaire, sous-statutaire ou irrégulier. Beaucoup, parmi eux, touchent le salaire minimum. Parmi eux et parmi elles : dans l’archipel, les femmes occupent deux fois plus souvent que les hommes un emploi précaire.
Le 1er octobre, le Smic horaire a été augmenté de 31 yens. Il se monte désormais à 961 yens, soit moins de 7 euros, contre plus de 10 euros dans tous les autres pays du G7 – hormis les États-Unis.
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Avec un Smic aussi bas, ces deux Tokyoïtes ne s’en sortent pas : « J’ai beau faire le plus possible d’heures supplémentaires, je ne gagne que 200 000 yens par mois [1 300 euros environ, NDLR]. Ce qui ne suffit pas. Donc, comme beaucoup de smicards, j’emprunte, à n’en plus finir. Je n’ai pas le choix : pour joindre les deux bouts, je dois m’endetter », confesse l’un.
Des heures mieux payées, mais du temps de travail réduit par certains employeurs
Une salariée dans la même situation ajoute : « Les prix des denrées alimentaires et des produits énergétiques ont tellement augmenté que, malgré cette hausse du Smic, je dois rogner en permanence sur mes dépenses. Désormais, la viande ou le poisson, c’est le week-end uniquement. Et puis, les fruits et les légumes frais, ce n’est plus tous les jours comme avant... »
Une augmentation horaire de 31 yens [une vingtaine de centimes d’euros, NDLR], ces deux salariés ne débordent pas d’enthousiasme... « Cela me paie mon café au distributeur automatique pendant la pause, après 4 heures de boulot. Super, non ? », constate ironiquement l’une.
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« Mes heures de travail sont un peu mieux payées... mais mon employeur les a réduites pour compenser ce surcoût. Donc, je travaille moins qu’avant. Ce qui fait que, malgré cette hausse du SMIC, je ne touche pas un yen de plus à la fin du mois », dit l’autre, amer.
Une augmentation qui n’est pas du goût de tous les employeurs
La revalorisation du salaire minimum reste en travers de la gorge de certains employeurs. À l’image de cet exploitant d’un konbini, ces supérettes de proximité qui sont ouvertes 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24 :
Les augmentations linéaires de salaires, je suis contre, quel que soit le niveau de rémunération. À mon sens, il faut payer les salariés au mérite. Mieux rémunérer mes employés qui bossent bien, qui redoublent d’efforts ? Pas de problème, et avec plaisir. Mais augmenter aussi ceux qui ne donnent pas le maximum d’eux-mêmes au boulot ? Il n’en est pas question. Et selon moi, l’État n’a pas à nous imposer cela.
Il n’est pas rare que les employeurs japonais rémunèrent leur personnel en dessous du salaire minimum et en toute impunité, le plus souvent. Les salariés n’osent pas saisir l’Inspection du travail, de peur d’être licenciés et, de toute manière, le non-respect du Smic n’est passible que d’une simple amende : de 500 000 yens, soit moins de 3 500 euros.
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