Liban: la production locale de jouets à l'assaut d'un marché en ébullition
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Au Moyen-Orient, où les deux tiers de la population a moins de 35 ans, le marché du jouet est en ébullition à l’approche des fêtes de fin d’années. Alors que le secteur est dominé par les marques occidentales, de plus en plus d'entrepreneurs arabes relèvent le défi. Loin des figurines Spiderman, Lego et Barbie, eux, fabriquent des jeux qui s’inspirent de la société et de la culture locale. Beaucoup de ces créateurs sont à Beyrouth où la crise économique a donné un coup d’accélérateur au « made in Lebanon ».

De notre correspondante à Beyrouth, Sophie Guignon
Au Liban, sous les sapins de Noël, les cadeaux fabriqués localement ont une place de choix cette année. Dans un magasin de jouet de la capitale, Rachelle Daou et son fils Mateo viennent essayer un kit de construction de maisons baptisé Bildits.
Muni de peinture, de mini-briques et de ciment « made in Lebanon », le garçon de 8 ans se glisse dans la peau d’un architecte. « Moi, j'adore ! Ça nous laisse travailler notre imagination », dit le petit Mateo. « Ce jeu l’aide à développer sa créativité et ça lui permet de travailler avec ses mains », ajoute sa mère Rachelle.
Ce jeu, inventé par Nadi Chemaly, propose d'ériger une maison sans imposer de modèle culturel. « Si vous regardez tous les jeux ici, aucun d’eux ne vise le marché libanais. Les enfants libanais doivent toujours s’amuser avec les mêmes jouets que les Européens ou les Américains. Alors que les maisons qu’ils construisent, elles ressemblent vraiment à des maisons libanaises », explique Nadi Chemaly.
Des jeux moins chers que ceux importés
Alors que 95% des jouets sont importés au Liban, les produits locaux - jusqu’à moitié moins chers - sont une aubaine pour les parents dont le pouvoir d’achat s’est effondré avec la crise économique. Sur les hauteurs de Beyrouth, la menuiserie Bejjani tourne à plein régime.
Ici, le Jakaroo, un jeu de stratégie jordanien, a été remis au goût du jour par Rafqa Achkar, une créatrice libanaise. « Il y a beaucoup de commandes sur le Jakaroo et les jeux de société. Depuis la crise, pour soutenir l’économie locale, on fait tout au Liban », dit Rafqa Achkar.
Roy Bejjani, le menuisier, s’affaire sur ses machines de découpe de bois. Diversifier son activité lui a permis de sauver son entreprise de la faillite et de retrouver le sourire. « C’était un défi de réussir à produire cet objet au Liban. C’est un contexte difficile pour trouver des matières premières. Quand je commence à travailler sur les jeux, ça me rend heureux », souligne le menuisier.
9 % de croissance d'ici à cinq ans
L’enthousiasme pour les jeux libanais touche aussi les adultes. Dans un café pour passionnés, tout le monde connaît Wasta, « piston » en arabe. Le gagnant de ce jeu de carte - créé par Elie Kesrouany - est celui qui survit au politicien corrompu, au banquier sans scrupules ou encore au voyou milicien. « La carte numéro 4, c'est l'immunité parlementaire. C’est un jeu satirique », indique Elie Kesrouany. « Au Liban, tout est basé sur les pistons. C’est un message sous forme de jeu, le but est d’amuser les gens, de les faire rire, mais ça les rend aussi très conscients de ce qu’il se passe. »
Wasta s’est déjà vendu à 6 500 exemplaires. Avec une population jeune, le marché du jouet au Moyen-Orient devrait enregistrer 9% de croissance d'ici à cinq ans, la plus forte augmentation au monde.
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