Ukraine: la résilience d'Andrii Povod, fermier de la région de Kherson, de retour sur ses terres
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Bientôt un an que l’armée russe a lancé son opération militaire de grande envergure contre son voisin. Une partie des régions de Louhansk, Donetsk, Zaporijjia et Kherson restent occupées (sans compter la Crimée, illégalement annexée par Moscou en 2014). Un an de violences, de tragédies, de douleur, mais aussi de résistance pour les Ukrainiens. Reportage auprès d’un agriculteur de la région de Kherson, libérée par l’armée ukrainienne en novembre.

De nos envoyés spéciaux à Kherson,
Derrière la porte de son garage, Andrii Povod tient à montrer la voiture qui lui a sauvé la vie : un SUV aux vitres transpercées de plusieurs balles. Le 6 mars, dans les premiers jours de l’occupation russe, au détour d’une route, il tombe avec son père sur des militaires russes qui pointent leur arme sur eux.
« On a levé nos bras en l’air et on leur a montré qu’on n’était pas armés, mais un premier militaire a commencé à tirer. J’ai fait marche arrière pour repartir dans l’autre sens, mais un deuxième est apparu avec une mitraillette et il a commencé à arroser la voiture. On a quand même réussi à s’échapper », se souvient-il.
Touché au cou et au bras, au volant de sa voiture, Andrii réussit à gagner un hôpital. Il y a sera opéré à trois reprises, mais décide de ne pas s’y éterniser. « On savait que tôt ou tard les Russes viendraient, parce qu’ils recherchaient les Ukrainiens blessés au combat. Moi, je suis un civil, mais je ne m’attendais pas à ce qu’ils fassent dans le détail. »
Une exploitation agricole changée en champ de bataille
Quelques semaines plus tard, l’exploitation familiale de 2 000 hectares est investie par les militaires russes. Des moissonneuses batteuses et 5 000 tonnes de grain sont volées, le reste du matériel, détruit par les combats lors de la contre-offensive ukrainienne à l’automne.
À son retour, en novembre, Andrii découvre aussi une multitude d’objets d’électroménager qui ne lui appartiennent pas. « Quand on racontait que les Russes volaient des choses, je n’y croyais pas. Mais quand on est revenu ici, on a découvert des tonnes de télévisions, d’autocuiseurs, de blenders, etc. Ils ont volé ça quelque part et ils voulaient visiblement les emmener en Russie », dit Andrii.
Aujourd’hui, l’exploitation ressemble à un champ de bataille, avec ses hangars désossés battus par le vent et des restes de blindés russes calcinés. « Le pire, c'est que je viens ici pour la dixième fois et je ne sais toujours pas par quoi commencer. J’ai envie de travailler, mais comment ? La seule chose que je peux faire, c’est ouvrir un musée de véhicules militaires calcinés », ajoute-t-il.

Moments de doutes
Sans engins agricoles, avec des champs minés et des obus qui continuent de tomber régulièrement dans les alentours, les travaux ne sont pas près de reprendre. Durant les 8 mois d’occupation, l’agriculteur qui aide matériellement l’armée ukrainienne depuis 2014, a tenté de rester loin des yeux des Russes. Il a traversé des moments de doute.
« Bien sûr, la pensée que les Russes étaient là pour toujours, m’a traversé l’esprit. Et cela me faisait peur parce que je ne savais pas quoi faire : quitter ma maison, commencer une nouvelle vie ? Mais au fond, j’étais absolument sûr que la région de Kherson serait libérée, du moins la rive droite. Toute la question était de savoir quand », explique Andrii.
Avec le peu d’économies qui lui restaient, Andrii a décidé d’acheter un pick-up pour l’armée. Il a même lancé une cagnotte pour en acquérir un deuxième.
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