Reportage international

Russie: nouveau mode de recrutement pour le groupe Wagner

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Le groupe paramilitaire Wagner cherche de nouveau à renforcer ses effectifs. Après avoir massivement enrôlé des détenus en échange de réductions de peine, le chef du groupe privé change de stratégie. Le 10 mars, il a rendu public l'ouverture de 58 centres de recrutement dans 42 villes de Russie, essentiellement des salles de sport qui ont pignon sur rue ou presque, comme dans ce club de boxe situé à une heure du centre de Moscou.

Photo tirée d'une vidéo publiée par le service de presse d'Evgueni Prigojine. Le patron du groupe Wagner s'adresse au président ukrainien Volodymyr Zelensky pour lui demander de retirer les forces ukrainiennes restantes de Bakhmout pour sauver leur vie. (Image d'illustration prise en Ukraine sans précision du lieu)
Photo tirée d'une vidéo publiée par le service de presse d'Evgueni Prigojine. Le patron du groupe Wagner s'adresse au président ukrainien Volodymyr Zelensky pour lui demander de retirer les forces ukrainiennes restantes de Bakhmout pour sauver leur vie. (Image d'illustration prise en Ukraine sans précision du lieu) AP
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De notre correspondante à Moscou,

Au rez-de-chaussée, des bancs et des porte-manteaux. Y sont empilés en cette fin d’hiver, des écharpes, des bonnets, et des anoraks dont certains rose bonbon. Ce sont ceux des adolescents membres de ce club qui a aussi une section adulte. À l’étage, rieurs et curieux, garçons et filles attendent leur tour pour l’entrainement.

On est ici bien loin des vidéos du patron du groupe Wagner haranguant des détenus dans une cour de prison, leur promettant, direct comme il l’est toujours, la mort ou l’amnistie après de bons et loyaux services dans ses troupes se battant en Ukraine.

« Ce club fait des tests pour les volontaires qui veulent servir leur pays, dit Mikhaïl, colosse de deux mètres à la barbe bien taillée et aux larges épaules plantées devant un imposant ring coloré. On leur pose des questions, on vérifie le niveau d’entraînement physique, avec des pompes, des squats, de la course à pied, des exercices physiques élémentaires, personne n’a besoin de forcer. Vous le voyez d’ailleurs ici, c’est une salle de sport ordinaire, pour tout le monde. Un homme vient ici, et nous on vérifie juste s’il est en bonne santé et sans mauvaises habitudes comme la toxicomanie, l’alcoolisme, ou les activités criminelles. Vous savez, les gens ont tous des antécédents différents. Certains ont peut-être eu des membres cassés et vivent aujourd’hui avec des plaques de métal dans le corps. En somme, nous, nous vérifions qu’une personne est en bonne santé, qu’elle est saine à tout point de vue. »

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« Il faut bien que quelques-uns le fassent »

Pour tout cela, assure Mikhaïl, il lui faut entre 30 minutes et une heure d’entretien. À ses côtés Marat, qui se présente comme entraîneur de boxe. C’est tout ce qu’on saura de ces deux hommes qui on bien voulu accorder 20 minutes d’entretien à RFI au milieu de gants de boxe à l’allure presque flambant neuve. Le nom, l’adresse et le numéro de téléphone du club ont beau être publics depuis trois jours, les habitudes de silence du groupe paramilitaire ont la peau dure. Pas question non plus de faire la moindre photo, y compris du très reconnaissable drapeau Wagner disposé dans un coin de la salle.

Et quand on demande pourquoi donner un coup de main à « l’orchestre » [surnom donné par ses membres à Wagner, NDLR], Mikhaïl se fait particulièrement laconique : « Il faut bien que quelques-uns le fassent. » Pourquoi avec Wagner ? : « Pourquoi pas ? » Marat est lui un peu plus bavard : « On leur assigne des tâches, et ils les accomplissent. Tout le monde le voit. Sur le terrain du conflit comme ailleurs dans le monde. »

L’argument de l’efficacité, plus que celui des forces régulières russes dans ce que le Kremlin appelle toujours « l’opération spéciale en Ukraine », c’est celui qu’Evgueni Prigojine a toujours brandi. Directement sur sa chaîne personnelle Telegram ou via tout l’écosystème de médias affiliés qu’il a créé.

Le conflit du fondateur de Wagner avec le ministère de la Défense est de plus en plus dur et visible mais Evgueni Prigojine a obtenu ce mardi 14 mars, le vote en troisième et dernière lecture d’une nouvelle loi qui n’attend plus que la signature du président Vladimir Poutine. Comme pour les soldats de l’armée régulière, tout ce qui est assimilé à une parole qui discrédite ses hommes sera punissable d’une peine pouvant aller jusqu’à 15 ans de prison.

Combien d’hommes et en combien de temps Evgueni Prigojine espère-t-il enrôler sous sa bannière ? Le chef du groupe paramilitaire privé ne l’a pas précisé.

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