Corée du Sud: à Daegu, des violences islamophobes à l'encontre des étudiants musulmans
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En Corée du Sud, un projet de construction de mosquée n’en finit plus de défrayer la chronique. Un large conflit oppose des étudiants musulmans et une partie de leurs voisins dans la ville conservatrice de Daegu. Têtes de cochons déposées devant le lieu de culte, barbecue de porc organisé aux heures de prières… Des habitants du quartier se sont mobilisés contre les étudiants et ont même porté l'affaire devant les tribunaux.

De notre envoyé spécial à Daegu,
Accolé à l’université nationale Kyungpook, le quartier de Dahyeon-dong semble paisible. Des restaurants, des immeubles de quelques étages et une poignée d’habitants qui discutent devant une supérette. C’est là que nous retrouvons Muaz Razaq, doctorant en science de l’informatique et représentant des élèves musulmans de l’université. Il nous emmène vers le lieu qui sert de salle de prière temporaire, en bordure de la mosquée en construction. Juste devant l'entrée de la mosquée, des têtes de cochons ont été déposées par les habitants.
Quand on lui demande depuis combien de temps cette tête de cochon est ici, on comprend rapidement que le problème n'est pas récent. « Je crois que la première a été mise en octobre », indique-t-il. Ils ont pourtant demandé qu'on les retire. « Nous avons souligné le problème dans les médias et demandé aux autorités, mais elles nous ont dit que c’était une allée privée, donc qu’ils ne pouvaient pas demander qu’elles soient retirées. »
D'une cohabitation paisible...
Muaz Razaq nous emmène dans une salle modeste où une vingtaine de fidèles peuvent venir prier. Mais l’association comprend entre 100 et 150 élèves musulmans, venus du Pakistan, du Nigeria, du Bangladesh, d’Inde ou encore d’Ouzbékistan. L’ancien lieu de culte ne pouvait pas non plus accueillir l’afflux d’étudiants. Alors, après sept années de cohabitation paisible avec le voisinage, l’association s’est lancée dans la construction.
« La démolition de l’ancien bâtiment a commencé en octobre 2020. Pendant trois mois, la construction s’est bien passée, sans aucune plainte de leur part. Quand les poutres ont été installées, soudainement, nous avons eu un appel des autorités locales pour nous dire de mettre en pause les travaux, car les voisins se sont plaints », raconte-t-il.
Alors commence un processus de médiation, d’abord plutôt cordial. « Ils ont dit qu’on n’est pas contre vous, mais c’est simplement que vous construisez une mosquée dans un lieu résidentiel, et précédemment, il y avait des problèmes de bruits, des mauvaises odeurs liées à la nourriture, etc. »
... à la multiplication des actes hostiles
Mais le processus est rapidement interrompu par des actions violentes. « Les musulmans ont tué des personnes brutalement et les ont décapitées ! Partez d’ici maintenant ! Terroristes, Terroristes ! », hurle un habitant.
Barbecue de porcs devant la mosquée, diffusion de pop coréenne pendant les heures de prière et enfin les deux têtes de cochons. Malgré la multiplication des actes hostiles, les voisins assurent qu’il ne s’agit pas d’islamophobie, mais de différence culturelle, ici lors d’un témoignage d’une des habitantes du quartier à la télévision publique.
« Ces gens sont différents de nous d’un point de vue culturel, ils ne vivent pas comme nous. Tout est différent dans leur culture, mais nous ne faisons rien pour faire du mal à nos voisins », dit-elle.
Muaz Razaq dénonce l’attitude de groupes protestants ultra-conservateurs qui, selon lui, poussent les voisins à s’opposer aux étudiants. Et si la justice sud-coréenne a tranché à plusieurs reprises en leur faveur, la construction n’a toujours pas repris, car ils peinent à trouver une entreprise acceptant de poursuivre les travaux.
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