Reportage international

Poundbury, la ville imaginée par le roi Charles III

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Le roi Charles III sera couronné le 6 mai, huit mois après le décès d’Elizabeth II en septembre 2022. Pendant près de six décennies, l’ancien prince de Galles s’est consacré à de nombreuses causes : défense de l’environnement, harmonie architecturale, intégration des territoires… Toutes ces causes, Charles les a mises en œuvre en créant sa propre ville : Poundbury, dans le sud-ouest de l’Angleterre. Visite guidée de la ville d’un roi.

Les villas côtoient les petits pavillons mitoyens : Poundbury a été conçue sur un principe d'intégration, sans quartiers isolés les uns des autres.
Les villas côtoient les petits pavillons mitoyens : Poundbury a été conçue sur un principe d'intégration, sans quartiers isolés les uns des autres. © RFI/Émeline Vin
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De notre envoyée spéciale,

À première vue, Poundbury ressemble à un village anglais traditionnel : de longues rues bordées de petites maisons fleuries, la statue de la reine mère au centre d’une place, un pub… Pourtant, quelques détails attirent l’œil des plus attentifs. Aucun panneau publicitaire ne borde les routes, sur lesquelles aucun marquage n’a été tracé.

« Il n’y a pas de bâtiment ultra-moderne ici, décrit Mark Adams, architecte installé à Poundbury depuis une dizaine d’années. Il n’y a pas de câbles, de paraboles, tout est caché sous terre. Il veut que l’apparence de Poundbury reste la même dans les décennies à venir. »

« Il », c’est Sa Majesté, Charles III. Alors qu’il était prince de Galles, le nouveau roi a entrepris la construction de sa ville idéale sur ses terres, mitoyennes de la ville de Dorchester, au sud-ouest de l’Angleterre. Poundbury est sortie de terre en 1993 et devrait finir d’être construite à l’horizon 2027. Bâtie sur des principes d’intégration, sans quartiers délimités, la bourgade mêle petits pavillons mitoyens, hôtels de style néo-classique et manoirs géorgiens.

« Son projet personnel »

Fran Leaper a emménagé dans une grande maison de trois étages au début des années 2000 et s’est tout de suite impliquée dans l’association des résidents. La retraitée a vu la ville s’étendre et prendre forme : « Charles a supervisé le moindre détail de Poundbury. Chaque demande de permis de construire porte les gribouillis du prince. C’est vraiment son projet personnel. »

Un projet couronné de succès : 4 000 habitants ont déjà emménagé à Poundbury, mélange de propriétaires, de locataires et de bénéficiaires de logements sociaux. Françoise Ha, elle aussi membre de l’association des résidents, a emménagé il y a cinq ans : « C’est un endroit merveilleux, l’architecture est magnifique. On appartient à une communauté, et il y a de bonnes écoles pour nos trois enfants. » La thérapeute en médecine coréenne loue aussi le fait de pouvoir tout faire à pied. Le lien avec Charles III ? Un bonus : « Ça se voit que les gens qui ont conçu la ville l’ont fait avec attention. »

 

Les villas côtoient les petits pavillons mitoyens : Poundbury a été conçue sur un principe d'intégration, sans quartiers isolés les uns des autres.
Les villas côtoient les petits pavillons mitoyens : Poundbury a été conçue sur un principe d'intégration, sans quartiers isolés les uns des autres. © RFI/Emeline Vin

 

Les habitants ont la royauté timide : à quelques jours du couronnement de Charles III et contrairement au reste du royaume, aucun drapeau n’orne les façades. « Nous sommes représentatifs de la population générale, assure Fran Leaper. Tout le monde ici n’est pas convaincu que Charles était la meilleure personne pour diriger le pays. Nous ne sommes pas différents juste parce que Poundbury appartient au roi. »

Faible diversité

Dans la ville voisine, pourtant, Poundbury est bien considérée comme le joyau de Sa Majesté. « Moi, je dois attendre une heure pour avoir un bus, déplore Doris, résidente octogénaire de Dorchester, mais eux, ils en ont plein, parce que c’est chez Charles ! » La faible diversité sociale et ethnique, alors que neuf habitants sur dix sont Blancs selon le dernier recensement, n’aide pas à enrayer les rumeurs autour de Poundbury : on y serait snob, privilégié, et surtout, on n’y ferait pas ce qu’on veut. « J’ai entendu dire qu’on ne pouvait pas étendre son linge le dimanche, souffle Doris. Moi, personne ne me dit quand je peux faire ma lessive. »

C’est vrai que la vie dans un écrin royal requiert quelques sacrifices. Fran Leaper souligne l’interdiction de remplacer les cadres de fenêtres en bois par des installations plus modernes, en PVC, au nom de l’esthétique : « C’est une négociation récurrente avec le Duché. » La lessive doit être étendue à l’arrière des maisons… L’affichage public est également fortement réglementé. La place de la couronne, tout juste construite, abrite pas moins de six commerces qu’on ne remarque qu’une fois devant la porte.

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Françoise Ha a dû composer avec cela en s’installant à Poundbury. « C’est un défi pour se faire connaître des habitants. Il n’y a pas de centre-ville ici, les commerces sont parsemés à travers les rues : vous ne pouvez pas dépendre du fait que les gens vont vous remarquer en passant, il faut avoir votre clientèle. » Cependant, la thérapeute n’est pas entièrement contre cette règle : « Ça fait partie de l’identité de Poundbury. »

La quadragénaire n’a encore jamais rencontré Charles. Lorsqu’il était prince de Galles, Son Altesse se rendait environ deux fois par an dans « sa » ville, désormais propriété de son héritier, William. Les habitants en sont sûrs : une visite royale ne sera qu’une question de semaines après le couronnement.

 

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