75 ans de la Nakba: au Liban, une base de données universitaire répertorie les témoignages
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Au Proche-Orient, les Palestiniens commémorent aujourd’hui la « Nakba », la « catastrophe », et l’exode qui leur fut imposé lors de la création d’Israël : c’était il y a 75 ans. De nombreux Palestiniens se sont réfugiés dans les pays voisins, et une diaspora mondiale a aussi vu le jour. Pour préserver leur mémoire, l’Université américaine de Beyrouth a classé et mis en ligne des interviews d’anonymes et d’intellectuels palestiniens réfugiés au Liban, venus de milieux ruraux ou citadins, vivant dans des camps ou intégrés en ville. Une histoire orale de la Palestine d’avant 1948, des violences de la Nakba et des vies de réfugiés.

De notre correspondante à Beyrouth,
Ismail Chamout avait 9 ans lorsqu’il a été expulsé de force de son village en Palestine, avec tous les voisins. Dans cet extrait, le réfugié se rappelle l’exode, les heures de faim, de soif, de marche. Son témoignage fait partie des centaines d’heures d’histoire orale numérisées par l’Université américaine de Beyrouth.
« Ces gens ont tout perdu. Certains n’avaient pas même de photos avec eux », raconte Fatmeh Charafeddine, directrice par intérim de la bibliothèque. « Des Palestiniens, c’est connu, ont juste emporté les clefs de leur maison. Mais la plupart n’ont rien eu d’autre comme souvenirs que ceux qu’ils avaient en tête. Et ce sont ces souvenirs qu’ils partagent avec nous. Leur histoire, leur récit. Pour moi, c’est très intéressant de les entendre. »
Des entretiens collectés à partir des années 1990
Ici, une réfugiée évoque la peur au ventre d’elle et des siens, en 1948 ; là, une intellectuelle raconte la stupeur et l’effroi en apprenant le massacre des Palestiniens dans le village de Deir Yassine.
Les entretiens ont été collectés au Liban à partir de la décennie 1990, par des associations inquiètes que ces souvenirs ne disparaissent en même temps que des réfugiés vieillissants. L’université américaine de Beyrouth a rendu visibles ces témoignages et les a répertoriés. Un travail colossal, accessible à tous sur internet.
« La question palestinienne est une cause globale, elle ne concerne pas que les Arabes ou les Libanais », souligne Fatmeh Charafeddine. « Les Palestiniens ont beaucoup souffert, ils ont été chassés de leur pays. C’est intéressant pour toute personne touchée par les droits humains d’en apprendre plus sur cette histoire. »
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Une collecte suspendue en raison de la crise
L’immense base de données retrace le drame de 1948, mais parle aussi de la richesse de la société palestinienne avant, ou de l’exil souvent douloureux ensuite. Mais à cause de la crise financière au Liban depuis 2019, l’expansion des archives a été suspendue.
« Nous avons des entretiens qui ont été collectés dans les camps de réfugiés en Palestine même, mais que nous n’avons pas pu numériser, à cause de la crise », explique Fatmeh Charafeddine. « Il y a un grand potentiel pour que nos archives deviennent un vaste réceptacle d’histoire orale. Dès que les choses iront mieux, je suis sûr que le projet sera relancé, car il n’est pas encore terminé. »
Comme une suite de l’histoire : c’est en effet un professeur de l’université américaine de Beyrouth, Constantine Zureyk, qui forgea autrefois le terme de Nakba, la « catastrophe ».
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