Reportage international

Détroit d’Ormuz: l’enjeu mondial de la liberté de navigation

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Dans le détroit d’Ormuz, deux pétroliers ont été saisis récemment en moins d’une semaine par l'Iran. Il s’agit là d’une nouvelle escalade de tensions aux abords de cette zone maritime. Pourtant, la présence militaire pour garantir la liberté de navigation y est importante. Neuf pays européens, dont la France, avaient d’ailleurs lancé, il y a un peu plus de trois ans, une mission appelée « Emasoh-Agenor ». Leur objectif est de protéger les intérêts économiques des pays concernés dans ce petit couloir maritime stratégique.

La mission Emasoh, pour «European-led Maritime Awareness in the Strait of Hormuz», a été lancée un an plus tard, le 25 février 2020.
La mission Emasoh, pour «European-led Maritime Awareness in the Strait of Hormuz», a été lancée un an plus tard, le 25 février 2020. © Nicolas Keraudren / RFI
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De notre correspondant régional,

Quelque part entre les Émirats arabes unis et l’Iran, le Guépratte navigue dans les eaux calmes du Golfe.

Ce jour-là, en février 2023, cette frégate de la marine française est en patrouille pour le compte d’une coalition de neuf pays européens, dont l’Allemagne ou encore la Belgique. Sur la passerelle supérieure du navire, le lieutenant de vaisseau Pierre-Yves supervise l’opération. Un hélicoptère vient tout juste de décoller du bateau pour « aller surveiller les approches du détroit d’Ormuz et du golfe Persique », explique ce jeune officier.

Juste en dessous, dans le poste de pilotage du navire, le capitaine de vaisseau Thomas Puga observe, quant à lui, les écrans de contrôle. « On navigue au milieu du trafic international et on parle avec les navires de commerce pour leur dire qu’on est là, que s’ils ont besoin d’informations sur le trafic maritime, eh bien qu’ils n’hésitent pas », explique celui que l’on surnomme aussi à bord le Pacha. La zone d’opération de cette mission « englobe toute la région du Golfe et va aussi sur la partie golfe d’Oman et mer d’Arabie. On passe par le détroit d’Ormuz dans un sens ou dans l’autre et nous montrons que nous sommes là », poursuit-il.

Espace stratégique pour l'économie mondiale

Par leur présence en mer, les navires engagés dans cette coalition ont donc pour objectif de contribuer à la liberté de navigation dans le Golfe. Mais aussi de protéger les intérêts économiques des pays européens concernés. Pas moins de 20% de la consommation mondiale de pétrole transitent dans ce couloir maritime. Le détroit d’Ormuz est donc un espace stratégique pour l’économie mondiale. C’est aussi une zone sous haute tension.

Car en 2019, pendant plusieurs mois, cet espace maritime est devenu le théâtre d’un affrontement à distance entre les États-Unis et l’Iran. Plusieurs actes de sabotage contre des pétroliers, battant divers pavillons, ont été perpétrés. Des drones militaires, américains et iraniens, ont aussi été abattus au-dessus du détroit d’Ormuz. Ce regain de tensions entre Washington et Téhéran a été précipité par la sortie de l’administration Trump de l’accord sur le nucléaire iranien et le rétablissement de sanctions contre la République islamique.

C’est dans ce contexte que la mission Emasoh, pour « European-led Maritime Awareness in the Strait of Hormuz », a été lancée un an plus tard, le 25 février 2020. Les membres de cette coalition de pays européens ont « voulu apporter une autre réponse au niveau du trafic maritime dans la région », explique le capitaine de vaisseau Thomas Puga. « Une approche résolument et volontairement tournée vers ce qu’on pourrait appeler une sorte de désescalade. Et surtout, une approche qui n’est pas tournée vers quelqu’un », insiste-t-il tout en prenant soin de ne mentionner aucun pays.

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Les autorités iraniennes impliquées dans la plupart des incidents

Malgré cette initiative, des incidents surviennent toujours fréquemment. Dans la plupart des cas, ils impliquent d’ailleurs les autorités iraniennes. En mai 2022, par exemple, les Gardiens de la Révolution, c’est-à-dire l’armée idéologique de Téhéran, s’étaient emparés de deux pétroliers battant pavillon grec qui naviguaient près de ses eaux territoriales. Une saisie qui ressemblait alors à une mesure de rétorsion contre la Grèce – pays pourtant membre de la coalition Emasoh. Quelques mois plus tôt, la Grèce avait en effet saisi un tanker iranien accusé de violer les sanctions contre la Russie.

Plus récemment, en février 2023, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu a aussi accusé la République islamique d’être derrière une nouvelle attaque contre un pétrolier lié à un homme d’affaires israélien. Une information qui a été démentie dans la foulée par les autorités iraniennes. Mais les navires liés de près ou de loin à Tel-Aviv, ennemi juré de Téhéran, sont aussi souvent la cible d’attaques, notamment par drone dans cet espace maritime.

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Ces exemples illustrent donc, selon Jon Gambrell, chef du bureau Golfe et Iran pour l’agence Associated Press, le chantage de l’Iran. Si les tensions politiques rejaillissent dans les eaux du Golfe, c’est parce que Téhéran considère cet espace comme son « arrière-cour », explique ce journaliste américain. L’Iran a d’ailleurs souvent menacé de le bloquer en cas de conflit.

Le détroit d’Ormuz est donc un atout géopolitique qui permet à la République islamique de peser sur les grands dossiers internationaux. Alors que les discussions sur l’accord sur le nucléaire iranien sont au point mort depuis septembre dernier, deux pétroliers – l’un battant pavillon des îles Marshall et l’autre celui du Panama – ont été saisis au début du mois par Téhéran. Des mesures « injustifiées » et « irresponsables », selon les États-Unis.

 

Le détroit d’Ormuz est un couloir maritime international large de 40 kilomètres en son point le plus resserré. Ses eaux sont partagées entre la République islamique d’Iran et le Sultanat d’Oman. Conformément à la Convention de Montego Bay – un texte des Nations unies sur le droit de la mer adoptée en 1982 – tous les navires bénéficient en principe d’un droit de passage en transit.

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