Japon: une nouvelle loi risque de mener à des centaines d'expulsions de réfugiés
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Au Japon, c'est imminent : le Parlement s'apprête à approuver définitivement un projet de loi extrêmement controversé. Car il durcit les modalités d'octroi du statut de réfugié politique. Quand cette réforme entrera en vigueur, la situation des demandeurs d'asile va donc encore un peu plus se compliquer. Des milliers d'ordres de quitter le territoire vont être délivrés. Et le gouvernement a déjà prévenu qu'il veillera scrupuleusement à ce que tous soient exécutés.

De notre correspondant à Tokyo,
La nouvelle loi prévoit l'expulsion immédiate des demandeurs d'asile dont le dossier a été rejeté deux fois : en première instance, puis en appel. Auparavant, les candidats réfugiés déboutés étaient autorisés à introduire une troisième requête. La plupart, dès lors, retentaient leur chance en produisant de nouveaux témoignages attestant du danger qu'ils courraient s'ils étaient renvoyés dans leur pays d'origine ou des rapports actualisés sur les atteintes aux libertés ou la répression des opposants.
Ce que fit Sai Musenbura. En 2010, il a fui la République démocratique du Congo et s'est établi au Japon où, depuis treize ans, il tente en vain d'obtenir le statut de réfugié politique. Sa demande ayant été rejetée trois fois, il fait partie des 4 000 à 5 000 demandeurs d'asile déboutés qui, dans les semaines à venir, vont être expulsés : « J'ai imploré l'administration, mais ils n'ont rien voulu entendre. Ils m'ont donné l'impression de considérer les demandeurs d'asile comme des cibles à abattre et non comme des gens qui ont besoin d'aide. J'ai trois enfants qui sont nés ici. Leur mère étant Japonaise, ils ne seront sans doute pas expulsés. Mais, donc, ça veut dire qu'ils vont voir leur père partir à jamais, qu'on va briser notre famille ? Cette perspective me déchire le cœur. Je ne demande qu'une chose : un peu d'humanité. »
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Des familles séparées brutalement
On estime que la réforme va séparer plus de 200 mineurs de leurs parents. Ces enfants sont nés au Japon de demandeurs d'asile dont le dossier a été rejeté à deux reprises et qui devront donc quitter le territoire national.
Les sondages l'indiquent : cette réforme divise les Japonais. À l'image des Tokyoïtes, comme cette femme, qui préfère faire confiance au gouvernement, qui « soutient qu'accueillir davantage d'immigrés ou de réfugiés, cela ferait du Japon un pays moins sûr et moins homogène. Donc, il vaut mieux y réfléchir à deux fois. ». D'autres sont plus sceptiques. Cet homme y voit un excès de zèle de la part de son gouvernement : « Qu'on "n'accueille pas toute la misère du monde", comme on dit, je peux le comprendre. Mais de là à renvoyer dans leurs pays des demandeurs d'asile venus de Syrie ou du Myanmar… Ça me paraît de la non-assistance à personne en danger. » Une autre femme n'en pense pas moins : « Cet argument du ''péril migratoire'', c'est n'importe quoi. Le Japon, 125 millions d'habitants, ne compte que 2 à 3 millions d'étrangers, pas plus. Il pourrait et devrait se montrer plus accueillant. »
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Un souci d'image à l'international
Mais la priorité du gouvernement, c'est de désengorger les centres de rétention, où les conditions de détention sont notoirement épouvantables. Rien que ces quinze dernières années, une vingtaine d'étrangers y ont trouvé la mort faute de soins médicaux adéquats, à l'issue de grèves de la faim ou de tentatives de suicide.
Cet enfer des centres de rétention japonais vaut à Tokyo d'être régulièrement rappelé à l'ordre par les Nations unies et les ONG de défense des droits humains. Soucieux de son image internationale, l'archipel en a déduit qu'il valait mieux expulser les demandeurs d'asile déboutés plutôt que de continuer à les enfermer.
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