[Série] La pollution des eaux du Tigre en Irak: à Kirkouk les eaux empoisonnées par les rejets pétroliers [2/4]
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L’Irak est l’un des pays les plus fragiles face au changement climatique : la désertification progresse et ses ressources en eau disparaissent, mais le fleuve Tigre, source de vie pour des millions d’Irakiens, est gravement polluée. À Kirkouk, dans la partie fédérale du pays, des résidus de pétrole contaminent les canaux et ressources en eau de toute une vallée depuis l’installation de compagnies pétrolières, en 1920, par les autorités coloniales britanniques.
De notre correspondante à Bagdad,
Sous un soleil de plomb, un ruisseau coule à l’abri d’arbres penchés. Le décor est poétique si l’on omet l’odeur étourdissante de carburant. Nous longeons les installations de la compagnie pétrolière publique North Oil, au nord de Kirkouk. Les rives du ruisseau sont noires et l’eau arc-en-ciel.
« Il est surnommé le Wadi el-Naft, la vallée du pétrole. C’est une vallée naturelle qui existait avant la découverte du pétrole dans les années 20. Après la découverte du pétrole, cette vallée a été utilisée pour déverser les rejets de la compagnie North Oil et ensuite de la raffinerie de Kirkouk. », explique Muhammad Najumaldeen qui dirige le département de surveillance de l’office pour l’environnement de Kirkouk. Il nous indique un tuyau d’évacuation de la compagnie pétrolière. L’eau qui en sort charrie des caillots de pétrole. « C’est un mélange de déchets industriels et médicaux. Nous faisons des prélèvements dans les couches supérieures et vérifions le niveau de pétrole et de graisse, précise Muhammad Ahmed Najumaldeen. Selon la loi, l’eau ne devrait pas contenir plus de 10 mg par litre. Si nous en trouvons plus, des procédures légales sont engagées. », ajoute le responsable.
7 000 euros d'amendes pour « polluer »
À ses côtés, le colonel Jazy Mahmoud, de la police de l’environnement, relève les infractions : « Cette pollution, visible ici, va sans aucun doute contaminer les eaux souterraines, le sol et l’air. Nous avons déclenché des procédures légales auprès du tribunal qui leur a infligé une sanction financière. Cette pénalité, comprise entre 1 et 10 millions de dinars irakiens, doit être payée tous les mois jusqu’à ce que la pollution soit traitée. »
Cette amende maximale de moins de 7 000 euros, le ministère du Pétrole la paye et la pollution continue, charriée par le wadi el-naft sur plus de 120 kilomètres.
Légumes contaminés
Dans le village d’Obeider, des pompes artisanales prélèvent, dans le wadi, l’eau nécessaire à l’irrigation, contaminant légumes et sols se désole Faisal Saleh, responsable de la localité : « J’incite les agriculteurs à ne pas cultiver de légumes avec l’eau de la vallée du pétrole, mais plutôt du blé et du maïs, pour ça c’est ok. L’eau cause beaucoup de maladies, elle est mauvaise, mais les agriculteurs n’ont pas le choix. Si le gouvernement nous aidait en creusant des puits pour nous, nous n’aurions pas à utiliser cette vallée, mais nous venons tout juste de revenir dans nos villages après que tout a été détruit. »
La lutte contre Daesh reste la priorité pour les autorités locales. Alors, avec pour seule alternative, l’achat coûteux de citernes d’eau, les agriculteurs se résignent encore à prélever dans le wadi el-naft, malgré le signalement de plusieurs cas de cancers.
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