Inondations en Libye: un village égyptien endeuillé
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Parmi les victimes des inondations en Libye, figurent 145 ressortissants égyptiens. Un village d'agriculteurs de la vallée du Nil est particulièrement touché par la catastrophe de Derna. Sur le millier d'habitants de Nazlat Al Sharif, une centaine de jeunes hommes avaient émigré pour travailler dans des entreprises de bâtiment en Libye, à Derna précisément. Quelque 75 d'entre eux sont morts. D'autres sont toujours portés disparus. L'onde de choc est immense dans le village.

De notre correspondante au Caire,
Pas une seule larme, mais le regard fixe. Sayed est comme happé par la photo de son frère qui s’affiche sur son téléphone. « C’est avant sa mort… Une photo de lui debout au bord de la mer, une photo souvenir », nous indique-t-il.
Son jeune frère Mohamed prend la pose, souriant sur la corniche de Derna encore intacte. C’était il y a quelques mois. Ce jeune ouvrier de 20 ans a depuis été emporté par le torrent meurtrier qui a pulvérisé la ville libyenne.
« Exactement une heure avant sa mort, il me parlait en direct sur Facebook. Il m’a dit “salue maman, papa, salue tout le monde, tous ceux que j’aime”… Il m’a demandé quand tout le monde viendrait le voir, je lui ai répondu dans un mois exactement si Dieu le veut », explique Sayed, le frère de Mohamed.
Son corps a été découvert dans les eaux, puis rapatrié en Égypte par avion. « Il me manque… Je te ne te reverrai plus jamais, je ne te retrouverai pas, ta voix me manque . »
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Poursuivre les recherches
Ahmed, l’aîné de la fratrie, est allé le reconnaître à l’aéroport. « L’eau a rendu leurs corps après trois ou quatre jours. L’eau abîmait leur corps. Ce sont ses amis et ses collègues qui l’ont reconnu là-bas et une fois identifiés, leurs noms étaient écrits sur le corps, tout le monde avait son nom inscrit sur le corps, sur les pieds. »
La plupart des victimes de Nazlat Al Sharif ont été retrouvées, mais d’autres sont toujours portées disparues. Certaines familles ont perdu deux, trois hommes.
Ahmed appelle les autorités à poursuivre les recherches. « Qu’ils essaient de nous ramener les corps des gens qui ont disparu, ou qu’ils nous disent qu’ils les ont retrouvés et enterrés là-bas, pour atténuer la douleur des gens », lance Ahmed. « Les gens ici ne seront pas apaisés à moins de savoir si les corps sont retrouvés ou non. »
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Onde de choc
Dans le village, un homme de chaque foyer avait émigré à Derna pour travailler dans le bâtiment et envoyer de l’argent au pays. Dans une maison toute proche, Hamad pleure lui aussi la perte de son frère. « Mon frère, le plus âgé, est mort en Libye. Il travaillait pour nous, comme ouvrier, nous aidait, les parents, les enfants… C’est terminé… », lâche Hamad.
Il va devoir prendre en charge sa mère et les cinq enfants de son frère disparu. Tous sont assis, serrés contre lui. « Que Dieu m’accorde les enfants de mon frère et que Dieu me fortifie si je les aide, mais je ne sais vraiment pas quoi faire, je n’ai pas de solution pour eux. »
L’onde de choc, émotionnelle, financière, est immense dans ce petit village d’un millier d’habitants. « Tout le village est détruit psychologiquement, épuisé », souffle une femme, rencontrée dans le village.
Le gouvernement égyptien a promis l’équivalent de 3 000 euros à chaque foyer endeuillé. Des aides bienvenues, soulignent les familles, mais qui ne vaudront jamais les vies emportées par les eaux de Derna.
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