Reportage international

États-Unis: soixante ans après l'attentat à la bombe contre l'église baptiste de la 16e rue

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La ville de Birmingham en Alabama commémore l’un des évènements les plus tragiques du mouvement pour les droits civiques des Noirs : la mort de quatre fillettes afro-américaines dans l’explosion d’une bombe contre leur église. Il s’agissait d’un attentat du Ku Klux Klan contre les manifestations pacifiques des Afro-américains qui demandaient la fin de la ségrégation. Tout un symbole, soixante après, c’est la première juge afro-américaine de la Cour suprême, Ketanji Brown Jackson (nommée par Joe Biden) qui a célébré vendredi dernier les commémorations dans l’église.

Des participants à la commémoration du 60e anniversaire de l'attentat contre la 16th Street Baptist Church, le 15 septembre 2023.
Des participants à la commémoration du 60e anniversaire de l'attentat contre la 16th Street Baptist Church, le 15 septembre 2023. AP - Butch Dill
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de notre envoyé spécial,

Les visages souriant des quatre petites filles sont affichés au-dessus de l’hôtel de la Sixteen Baptist Church de Birmingham en Alabama. Ce matin, cette église martyr du mouvement des droits civiques est bondée. Tous sont venus habillés sur leur 31, car c’est un jour solennel ce soixantième anniversaire de la mort de ces quatre petites filles que personne ici n’a oubliées. Denise, Carole, Cynthia et Addie, leurs prénoms résonnent accompagnés d’un coup de cloche pour chacune.

Le dimanche 15 septembre 1963, juste avant la messe, ces fillettes noires âgées de 11 à 14 ans sont mortes dans l’explosion d’une bombe posée là par les hommes du Ku Klux Klan. Floyd Escott était présent. Il n’avait que 10 ans mais il s’en souvient comme si c’était hier et le traumatisme se lit encore sur son visage…« J’étais dans l’église quand la bombe a explosé. Toute la ville de Birmingham a entendu l’explosion. Soixante ans après, ce qui s’est passé ce dimanche, ça fait toujours remonter beaucoup de souvenirs. Je me souviens de la haine des blancs contre les noirs, sans aucune raison. Ces fillettes ont fait le sacrifice ultime et sans le savoir, en perdant leur vie, elles ont montré combien la haine était forte ici à Birmingham, Alabama », raconte-t-il.

Le Ku Klux Klan a frappé cette église noire parce qu’elle était devenue le QG des protestations contre la ségrégation raciale en Alabama. L’attentat devait terroriser les noirs pour les dissuader de manifester. C'est dans ce climat qu’a grandi Floyd Escott. « Quand on venait dans le centre-ville, on devait entrer par la porte de derrière des magasins. On ne pouvait pas longer certains murs, on ne pouvait pas boire dans des fontaines réservées aux blancs. Je me souviens de tout ça. Les blancs pensaient qu’ils valaient mieux que nous. Il y a eu beaucoup de progrès depuis mais le combat est encore long », dit-il.

Et pour symboliser ces progrès, soixante ans après, c’est la première juge afro-américaine de la Cour suprême qui vient commémorer la mort de ces quatre petites filles. Ketanji Brown Jackson note qu'à l’époque cet attentat a tellement sidéré l’opinion qu’il a permis d’accélérer le passage un an un plus tard du Civil Right Acts, la grande loi qui marque la fin de la ségrégation aux États-Unis. « Aujourd’hui nous nous souvenons du tribut payé par les Afro-américains pour leur liberté…  Aujourd’hui nous pleurons ces quatre enfants arrachés à cette terre et à leurs familles de façon insensée et à qui on a volé le futur », explique-t-elle.

Et la juge de la Cour suprême rappelle l’importance du devoir de mémoire. « Nous ne pouvons pas oublier parce que pour apprendre des erreurs du passé, encore faut-il savoir qu’elles ont existé ». Un message a peine voilé aux États républicains qui tentent actuellement d’éradiquer des écoles l’enseignement de ce passé raciste aux États-Unis.

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