Reportage international

Batroun et Tripoli, symboles d'un Liban à deux vitesses

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Le Liban a toujours été l’un des pays les plus inégalitaires au monde, mais ces dernières années, la tendance s’est accélérée à cause de la crise économique foudroyante que traverse le pays. Celle-ci n’a pas seulement fait plonger 80% de la population sous le seuil de pauvreté, elle a aussi permis l’émergence de nouveaux riches – ceux qui gagnent leur vie en devises étrangères. Reportage à Batroun et à Tripoli.

Une station balnéaire dans le nord du pays, le 12 juillet 2023. (Image d'illustration)
Une station balnéaire dans le nord du pays, le 12 juillet 2023. (Image d'illustration) AFP - JOSEPH EID
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De notre correspondante à Beyrouth,

Connue pour sa dolce vita, Batroun, située à 40 km au nord de la capitale, attire chaque jour de nombreux visiteurs. Sur les plages de galets, serviettes, cigares et huile de bronzage sont de sortie. « Ici, c’est un peu comme Saint-Tropez, Cannes ou Portofino, fait valoir Mario Tachi, propriétaire du restaurant et de la maison d’hôte Ray’s. Les gens viennent l’esprit tranquille, ils sont heureux ici. Le tourisme est en plein boom. Nos clients sont des Libanais qui vivent ici, des Libanais de la diaspora et des étrangers. » 

Ouvert au début de la crise économique, « Le village de la diaspora », un complexe d’hôtel et de restaurants chics en plein cœur du vieux centre, ne désemplit pas. Ilyas Omais, 22 ans, étudiant en marketing y est attablé avec ses amis : « On a été dans une plage privée, on sort, on va au restaurant, on fait du jet-ski. On vient ici pour la vie nocturne, c’est très sympa. On dépense entre 80 et 100 dollars chacun, par jour », l’équivalent d’un mois de salaire minimum. Ilyas Omais peut se permettre cette dépense, car ses parents travaillent pour des entreprises étrangères et sont payés en devises. Un privilège auquel la majorité de la population n’a pas accès. Selon les Nations unies, 10% de la population possède désormais plus de 70% des richesses.

« La classe moyenne, c'est devenu la classe des pauvres »

À 20 km au nord, Tripoli, la seconde ville du pays qui a été le fer de lance du mouvement de contestation de 2019, s’enfonce dans la pauvreté. L’ONG Sanabel Nour y aide à elle seule plus de 120 000 personnes. « On aide dans tous les domaines. On distribue de la nourriture, de la viande, on soigne, on donne des médicaments, on aide à l’éducation », explique Hala Karamé Baraké, volontaire de Sanabel Nour.

Parmi les bénéficiaires, Mountaha Allouche, 37 ans, mère de deux enfants en bas-âge. Avec la crise, elle a perdu son emploi de vendeuse dans un magasin de prêt-à-porter. « Avant, je n’avais pas besoin d’aide. Au contraire, je donnais aux autres. L’argent qu’il me reste, je le dépense en loyer. J’ai dû vendre ma voiture et mes bijoux en or », se désole-t-elle. Comme Mountaha Allouche, 85% des Tripolitains vivent sous le seuil de pauvreté. Une situation intenable pour les volontaires. « La classe moyenne s’est complètement effondrée, c’est devenu la classe des pauvres, observe Hala Karamé Baraké. Mais aujourd’hui, on ne peut plus recevoir de nouvelles familles. On n’a pas les capacités d’aider plus. On se sent impuissants. » 

Pour échapper à une vie de misère, de plus en plus de jeunes quittent Tripoli dans des embarcations de fortune pour tenter la dangereuse traversée de la Méditerranée, direction l’Europe. Plus de 180 personnes y ont déjà perdu la vie.

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