C’est une porte d’entrée peu connue vers l’Union européenne et pourtant ils sont des milliers à l’emprunter chaque année. À l’est de la Méditerranée, Chypre est l'État européen qui reçoit le plus de demandes d’asile par rapport à sa population, plus de 20 000 dossiers l’année dernière pour seulement 900 000 habitants. Sur cette île divisée depuis l’invasion turque en 1974, la plupart des migrants arrivent dans la partie nord - sous contrôle d’Ankara - où une simple inscription à l’université fait office de visa étudiant. Ils traversent ensuite à pied ou en voiture vers la partie sud de l’Union européenne depuis 2004.

Le campus de la Near East University s’étale au pied des drapeaux géants blancs et rouges aux symboles de la Turquie imprimés à flanc de montagne. La plus grande université de la république autoproclamée de Chypre Nord accueille 27 000 étudiants venus de 143 pays. La plupart sont Africains, comme Tumaini, 20 ans, en licence d’économie. « Je suis venue de Tanzanie en avion via Istanbul. J’ai choisi Chypre, car c’était le pays le plus abordable, pour le visa ça a pris environ deux semaines… tout s’est bien passé », dit-elle.
La déception à l'arrivée
Payer des frais de scolarité garantit un visa pour Chypre-Nord. Avec une vingtaine d’universités pour seulement 350 000 habitants, ce secteur lucratif représente 35% du PIB. Mais pour beaucoup qui espéraient étudier en Europe, comme Chris venu du Nigeria, c’est la déception à l’arrivée. « Je pensais qu’il n’y avait qu’un seul Chypre, quand j’ai découvert que le pays était divisé et que j’étais dans la partie plutôt non reconnue, celle sous le contrôle de la Turquie, j’ai eu le sentiment d’avoir fait tous ces efforts pour rien », explique-t-il.
Pour poursuivre leurs rêves européens, certains traversent clandestinement la ligne verte vers la partie sud de l’île. Cette ligne de démarcation est poreuse. Par endroits, il suffit d’enjamber des barbelés. Une fois dans l’Union européenne, ils déposent une demande d’asile au camp de Pournara. Chaque jour, d’anciens étudiants débarquent ici, la plupart, comme Joy, après avoir fait appel à un passeur qui a organisé leur voyage depuis le pays d’origine. « C’est ici que je dors, ce sont mes affaires, et ça, c'est mon sac », dit-elle. « L’université n’était pas du tout comme il me l’avait décrite. Il avait dit que Chypre était en Europe, que j’allais travailler et gagner beaucoup d’argent, mais tout ça, c'était un mensonge. En tout, j’ai payé 6 000 euros… », ajoute-t-elle.
« Tout le monde ferme les yeux »
Selon les autorités de la partie sud de Chypre, près de 18 500 migrants sont arrivés de la partie turque l’an dernier. À Nicosie, le ministre de l'Intérieur, Konstantinos Ioannou, dénonce un trafic organisé. « Il s’agit d’une instrumentalisation du problème migratoire par la Turquie. Les autorités ne font rien pour mettre un terme aux migrations illégales. Les compagnies aériennes, les autorités… tout le monde ferme les yeux ».
À Chypre, 96% des demandes d’asile sont rejetées. Pour éviter que les migrants ne restent coincés sur l’île, les autorités offrent jusqu’à 1 500 euros à ceux qui acceptent de rentrer chez eux.
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