Des Népalais enrôlés par l'armée russe et «utilisés comme boucliers humains»
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La Russie n’a pas officiellement déclaré la conscription générale pour obliger sa population à se battre en Ukraine. Son armée recrute donc des mercenaires étrangers, venant surtout des pays du sud. Plus d’un millier de Népalais se sont ainsi engagés ces derniers mois dans cette guerre, attirés par les promesses de paies élevées et de résidence permanente en Russie. Mais beaucoup sont envoyés au front sans formation adéquate et meurent rapidement. Au Népal, leurs familles, sans nouvelles, désespèrent.

Sujan Sharma venait de finir ses études d’hôtellerie, et ne trouvait pas de travail au Népal. C’est alors que cet homme de 26 ans voit une annonce sur le réseau social TikTok : l’armée russe lui promet un salaire d’environ 2 000 euros par mois et une résidence permanente en Russie, s’il sert dans l’armée pendant un an. Sujan n’a aucune formation militaire, mais il saute sur l’occasion. Et il part en octobre dernier. Mais cela ne se passe pas comme prévu, raconte sa mère, Tirtha Kumari Rizal. « Il a signé son contrat le 1er novembre et a commencé son entrainement. Le 23 il a été blessé par balle. Et le 28 ils l’ont envoyé au front. C’est la dernière fois que je lui ai parlé. Je ne sais pas s’il est vivant ou mort. Une trentaine d’autres Népalais de son unité ont aussi disparu. »
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Sur le front sans expériences ni formation
Un collectif a identifié plus de 1 100 Népalais partis se battre dans l’armée russe. Un quart sont portés disparus et Moscou ne répond pas aux demandes de leurs proches ou des autorités népalaises. Au moins 16 d’entre eux sont décédés, dont Bharat Bahadur Shah, parti en juillet. Sa veuve, Bhadra Shahi, est désespérée : « Nous pensions que cette guerre ne durerait pas longtemps et que cela nous offrirait une autre vie. Mais mon mari est mort trois mois après son arrivée en Russie. C’est un des autres combattants népalais qui me l’a dit. Maintenant, je veux récupérer sa dépouille, mais les Russes ne nous répondent pas. »
Ces Népalais sont partis illégalement et les autorités ont donc peu de moyens de les retrouver. Katmandou a identifié environ 200 de ses ressortissants dans l’armée russe, mais ne peut obliger Moscou à les renvoyer. Pour freiner le flux, les autorités ont arrêté douze recruteurs au Népal, et interdit à leurs ressortissants de partir travailler en Russie et en Ukraine. Ce recrutement ressemble à de la traite de personnes, et sur le plan militaire, cela ne fait aucun sens, estime Binoj Basnyat, ancien officier de l’armée népalaise. « Il est impossible de former ces recrues en deux semaines ou un mois, comme le fait l’armée russe, car les armes sont très sophistiquées. Ces Népalais ne sont donc pas performants dans les combats, mais sont utilisés comme boucliers humains. Cela montre que la Russie a un besoin urgent d’hommes pour se battre. »
Les Népalais ne sont pas les seuls à céder à cette offre périlleuse : l’armée russe a également recruté des Indiens, des Congolais ou des Égyptiens.
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