Reportage international

Japon: les pêcheurs fragilisés par le réchauffement des océans qui chamboule la biodiversité

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Au Japon, les climatologues sont en état d'alerte en raison de l'envolée de la température des océans qui est due au réchauffement mondial, bien sûr, mais aussi au Kuroshio : à savoir, le deuxième plus grand courant marin au monde après le Gulf Stream. Ce courant chaud qui se déplace dans le Pacifique s'attarde beaucoup plus longuement qu'auparavant à proximité des côtes de l'archipel. Et ce phénomène qui bouleverse la biodiversité marine fragilise énormément les pêcheurs.

Un consommateur examine de la marchandise avant de l'acheter à Toyosu, le marché aux poissons de Tokyo, en septembre 2023.
Un consommateur examine de la marchandise avant de l'acheter à Toyosu, le marché aux poissons de Tokyo, en septembre 2023. © Philip Fong / AFP
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De notre correspondant à Tokyo,

Carmin, pourpre, écarlate ou grenat : plus les années passent, plus Kyôji Tachibana doit ajouter des nuances de rouge dans les cartes de l'Agence météorologique relatives à la température des mers bordant le Japon qui a augmenté de plus d'un degré en 2023, pour la troisième année consécutive, et cela inquiète cet expert.

« Cette moyenne nationale d'un degré de plus est trompeuse, car elle inclut la température de mers très froides : celles situées à l'extrême-nord du pays, près de la Russie. En fait, plus au sud, la hausse a été de deux, quatre… voire six degrés à certains endroits. C'est absolument sans précédent », alerte Kyôji Tachibana.

Quand les pêcheurs font grise mine...

Dans les allées de Toyosu, le grand marché aux poissons de Tokyo, ces professionnels font grise mine, car ils subissent tous les jours l'impact de l'envolée de la température des océans :

« Regardez : tout cela, ce sont des poissons tropicaux, qui n'ont donc rien à faire dans la baie de Tokyo, et pourtant, on en trouve de plus en plus. Mais on peine à les vendre, car les consommateurs ne les connaissant pas, ils se méfient », indique un premier vendeur. « Plusieurs variétés de poissons qu'on trouvait depuis toujours à proximité des côtes ont disparu. Ils semblent avoir migré au large, à la recherche d'eaux plus fraîches. C'est vraiment inquiétant pour nous, les pêcheurs... », explique un autre.

« Cette année encore, on a récolté beaucoup moins d'algues hijiki et wakamé et ça ne fait pas du tout notre affaire, car les gens en raffolent », poursuit un autre pêcheur venu vendre le fruit de son travail. « Comparé à il y a dix ans, les bancs de wakamé proches du rivage ont été réduits de moitié environ. Selon les spécialistes, ces algues s'y sont raréfiées, car l'eau tiède ne leur convient pas », ajoute un quatrième vendeur rencontré à Toyosu.

... et les clients aussi

Dans les supermarchés, les clients, eux aussi, font la grimace : « Les poissons les plus populaires, ceux que nous préférons, semblent devenus des denrées rares. C'est effrayant », s'inquiète une cliente. « Les algues et le poisson, c'est excellent pour la santé. Ce serait si dommage de devoir s'en priver », ajoute une autre. « 650 yens pièce le balaou du Japon alors que, l'an dernier, ils étaient vendus à 300... », constate amèrement un autre client.

En effet – et c'est une conséquence de la loi de l'offre et de la demande –, la ressource maritime s'amenuisant, les prix flambent, mais les pêcheurs japonais n'en profitent pas, car ils perdent des parts de marché par rapport aux poissons importés. Aussi, leurs coûts augmentent puisqu'ils doivent aller pêcher beaucoup plus au large qu'auparavant, donc dépensent davantage en carburant pour leurs chalutiers et en heures supplémentaires pour leur personnel.

Ils sont de plus en plus nombreux, d'ailleurs, à jeter l'éponge et à se reconvertir dans d'autres secteurs. L'archipel ne compte plus que 160 000 pêcheurs contre 1 million dans les années 1950.

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