Inde: dans l’Haryana, le chômage des jeunes joue contre Narendra Modi
Publié le :
Narendra Modi va être investi dimanche 9 juin pour un troisième mandat à la tête du gouvernement indien. Le Premier ministre devra relever un défi : s'attaquer au fléau du chômage des jeunes. L'État le plus touché est celui de l’Haryana avec 25 à 40 % de chômage selon les estimations. Sur place, la jeunesse dénonce le manque cruel de perspectives et la baisse des postes de fonctionnaires. (Rediffusion du 29 mai 2024).

Le soleil se lève sur le stade Rajiv Gandhi de Rothak, dans l'État de l'Haryana, en Inde. En cette période de canicule, ce sont les seules heures où il est humainement possible de s'entraîner. Il y a déjà foule de jeunes qui courent et font des pompes. « J'ai commencé l'entraînement physique il y a quatre mois pour rejoindre la police, explique Rahul, 19 ans. Je préfère la discipline et la routine. L'entraînement, au sein de la Mission Defence Academy est de qualité. Je voulais intégrer l’armée, mais depuis la réforme, c’est devenu très difficile. Beaucoup de mes amis ont aussi abandonné d’intégrer l’armée. »
La réforme dont il parle s'appelle Agneepath. Elle a réduit la durée d'enrôlement dans l’armée a quatre ans, au lieu d’un poste jusqu'à la retraite. Or, dans l’Haryana, l’armée est un des principaux débouchés pour les jeunes. À la Mission Defence Academy, ils sont une centaine d’adolescents à payer environ 100 euros par mois pour une chambre partagée et des cours préparatoires aux examens militaires. Mais tout s’est dégradé, juge Babu Kumar, qui a ouvert en 2019.
« L’Haryana, c’est 2 % de la population indienne, mais 10 % des soldats, détaille-t-il. On trouve une centaine d'académies militaires comme la nôtre ici ! La baisse des recrutements dans l’armée, c'est terrible pour nous ! Auparavant, nous étions fiers de préparer nos étudiants à un travail stable. Désormais, c'est très imprévisible. Il y a entre 25 % et 50 % d’étudiants en moins. »
Cette réforme contestée vient s’ajouter à une situation déjà très difficile sur le front de l’emploi dans l’Haryana. L’agriculture industrielle emploie de moins en moins de travailleurs et paie mal. L’industrie, elle, reste embryonnaire. Pour la jeunesse, c’est désormais mission impossible, regrette Manish Kumar, directeur d’un institut de cours privés. « Le taux de chômage est aujourd’hui de 37 % dans l'Haryana, c’est du jamais vu et le plus élevé d'Inde, s'alarme-t-il. Il y a aussi une très importante inflation. Alors, dorénavant, les jeunes se disent qu'il leur faut partir à l’étranger pour s’en sortir. Certaines académies privées se reconvertissent d’ailleurs pour proposer de s’expatrier. »
Ce désespoir économique a-t-il influencé les électeurs ? Pas de doutes pour Rakesh, père de famille, qui boit un thé devant une des salles de sport de Rohtak. « Je suis venu accompagner ma fille aînée au cours de boxe, explique-t-il. Une autre de mes filles s'entraîne à la lutte et mon fils, lui, se prépare pour intégrer les commandos. Je suis très en colère contre le gouvernement, car aujourd’hui c’est plus dur encore qu'à mon époque pour les jeunes de trouver un travail. Mes amis et moi, on soutenait Narendra Modi mais cette fois, on a voté pour l’opposition. »
Dans tout le pays, le chômage s’est imposé comme une préoccupation majeure lors de ces élections. En particulier dans l’Haryana, l’Uttar Pradesh et le Rajasthan, là où le BJP de Narendra Modi a enregistré son plus lourd recul.
À lire aussiInde: Narendra Modi contraint au compromis
NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail
Je m'abonne