Reportage international

Législatives anticipées en Sarthe: «Pourquoi perdre du temps à aller voter»

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La mobilisation ou non des abstentionnistes est l’un des enjeux des législatives à venir en France. Dans le village rural de Bouër, dans la Sarthe, à 40 km du Mans, plus de 61 % des 350 habitants ne se sont pas rendus aux urnes lors des élections européennes du 9 juin, le record d’abstention du département et un taux supérieur de 13 points à la moyenne nationale. Le scrutin à venir, plus local que les Européennes et marqué par une forte polarisation, suscite-t-il plus d’engouement chez ces abstentionnistes ? Rencontre avec certains d'entre eux.

L'église du village de Bouër en Sarthe.
L'église du village de Bouër en Sarthe. Gamma-Rapho via Getty Images - Michel GILE
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Bouër, c’est une rue principale avec la mairie, l’église, quelques maisons, le reste des habitants est dispersé en hameaux. Pas de commerces et pas d’école, malgré la centaine d’enfants que compte la commune. Pour la scolarité et les services, il faut faire 5 à 40 minutes de voiture, mais les habitants disent s’en accommoder plutôt bien, sauf pour l’accès aux soins.

Sur le tracteur, Léo, ouvrier agricole, est déjà désabusé de la politique à 20 ans : « Je ne vois pas l’intérêt de voter, non. Il n’y a aucune partie, aucune personne qui m’attire. Ils ne sont pas aux prises avec la réaliste, il ne voit pas le boulot que l’on fait. C’est parisien ça, ils ne connaissent pas la valeur des choses. C’est du bla-bla, ça ne changera rien et on en a marre. »

Au potager de Courgeon, Cédric, 50 ans, et sa femme Anne travaillent d’arrache-pied pour vivre de leurs légumes. La dernière fois qu’ils ont voté, c’était pour le second tour Macron-Le Pen à la présidentielle 2022 : « Ça faisait au moins 20 ans que je n’avais pas voté. Moi, j’ai toujours été contre Macron et c’était justement pour qu’il ne soit pas réélu que l’on est retourné voter. Aujourd’hui, on coupe court à tout ça, car on ne nous écoute pas. »

« Pour moi les élections sont truquées »

La déconvenue a été telle que Cédric nourrit désormais une profonde défiance vis-à-vis du processus électoral. Alors même si le Rassemblement national de Jordan Bardella n’a jamais été aussi proche du pouvoir, il s’abstiendra : « Pour moi les élections sont truquées, ils dépouillent à 20 heures et on voit qu’à 20 h 02, ils connaissent déjà le nom du président de la République. Alors, même si je me déplace pour voter, je ne suis pas sûr que ma voix arrive à Paris. Et si elle est élue, ça ne changera rien au problème de la France, car personne ne tient sa promesse. On voit déjà Bardella qui fait marche arrière, alors pourquoi se déplacer et perdre du temps à aller voter. »

D’habitude fidèle aux urnes, Nicolas n’a pas voté aux Européennes, « un oubli à cause d’une fête de famille », dit-il. Mais pour les législatives, l’agriculteur hésite. Lui, qui ne se reconnait dans aucun des trois principaux blocs, supporte mal la dramatisation de la campagne et les injonctions de vote. « Pour l’instant, on ne parle pas de programme, on parle du Nouveau Front populaire contre le Rassemblent national, c’est tout. Les programmes, rien, on nous parle de faire barrage contre l’extrême droite, un barrage contre l’extrême droite. Du coup, on ne sait plus où il faut faire le barrage, explique Nicolas. Ah, si, on nous dit de voter pour la majorité. J’ai l’impression qu’on nous prend pour des pigeons. »

Il se décidera donc au dernier moment : « ça dépendra de la météo, on aura peut-être du boulot dans les champs… ça fait un moment qu’il pleut donc on verra. »

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