Reportage international

En Chine, les touristes à l’épreuve des nouvelles technologies: «l’impression d’être fliqué partout»

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Alors que la Chine a rouvert ses portes aux touristes depuis la parenthèse du Covid-19, les nouveaux arrivants peuvent être déconcertés par l'omniprésence des nouvelles technologies dans la vie quotidienne dans l'Empire du Milieu. Des applications de paiement jusqu'aux contrôles à l'aéroport, Il vaut mieux se préparer avant de s'y rendre... même pour faire un don à un des rares mendiants de Pékin.

Publicité pour l’une des applications chinoises de paiement électronique à l’aéroport de Pékin.
Publicité pour l’une des applications chinoises de paiement électronique à l’aéroport de Pékin. © Stéphane Lagarde/RFI
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De notre correspondant à Pékin 

« J’étais surpris, car avant le Covid ce n’était pas comme cela, maintenant même les tickets de métro, tout est en numérique. » Une Chine numérisée où la vie est beaucoup plus compliquée sans un smartphone. Après les années Covid-19, c’est un pays sous QR code qu’a redécouvert Christophe. Cet homme d’affaires français, qui a vécu autrefois à Shanghai, est venu passer quelques jours de vacances à Pékin et Shenzhen avec son fils Grégoire.

« C’est très compliqué, car il faut une pièce d’identité, il faut s’enregistrer. C’est hallucinant. On est filmé quand on entre et quand on sort. On a découvert tout cela ce matin en arrivant à la station de métro. Avant, il n’y avait pas la reconnaissance faciale. Mais l’impression que cela donne, c’est qu’on a l’impression d’être fliqué partout. Après, sur les paiements en ligne, ils sont très forts. »

Les technologies simplifient la vie des Chinois contre des concessions aux libertés. Même les rares mendiants de Pékin, que l’on voit généralement près des lieux fréquentés par des étrangers, ont une pancarte avec un QR code réservé aux paiements électroniques : « Je viens de réimprimer ce code QR. J’étais obligé, car de nos jours plus personne n’a de monnaie, explique cet homme qui fait la manche. J’ai perdu mon fils il y a quelques années, je n’ai pas retrouvé de travail, alors je demande aux gens de m’aider. Tout le monde paye avec son téléphone aujourd’hui et il y a moins d’étrangers qu’avant. »

Au terminal des arrivées à l’aéroport de Pékin, moins d’étrangers qu’avant le Covid-19, mais plus que l’été 2023. Les écrans géants rappellent en anglais aux voyageurs de télécharger les applications chinoises de paiement. Mais elles ne précisent pas qu’il faut un VPN - un logiciel permettant simuler une connexion à l'étranger, qui permet de contourner le pare-feu de la censure chinoise pour accéder aux sites et aux applications étrangères.

« J’étais en classe d'affaires, je n’ai même pas mis un quart d’heure pour sortir. On m’a juste pris mes empreintes avant la douane, se félicite Philippe, tout juste débarqué de l’avion de Paris. Mais personne ne l’attend à la sortie : il n’a pas pu joindre ses contacts avec les applis étrangères, faute de VPN à télécharger aussi sur son téléphone avant de partir.

À Pékin, les rares personnes qui font la manche disposent aussi d’un QR code.
À Pékin, les rares personnes qui font la manche disposent aussi d’un QR code. © Stéphane Lagarde/RFI

Offensive de charme à destination des étrangers

Musique zen dans les haut-parleurs des boutiques près de Yonghegong, le temple des Lamas, l’un des hauts lieux touristiques de la capitale chinoise. Une masse de visiteurs en file indienne, disciplinée : à l’entrée du site, un carton où on laisse son briquet pour ne pas risquer de mettre le feu aux boiseries pourpres multi-centenaires. Les fumeurs malins repasseront par là à la sortie pour replonger leur main dans le carton, alors que la foule se presse dans l’autre sens. Flots ininterrompus des ombrelles, bobs et casquettes dans un été qui s’annoncent encore plus chaud que le dernier. Les touristes ici arrivent par bus entiers.

« Nous sommes un peu inquiètes à l’idée d’enregistrer nos cartes de crédit dans l’appli. On a essayé de configurer le paiement, mais pour l’instant, on ne sait pas si ça fonctionne », confient Sophie et Harper, deux touristes venues de l'État américain du Minnesota.

Dans le cadre d’une offensive de charme visant à attirer les étrangers dans un contexte de reprise au ralenti, le gouvernement chinois a ouvert le pays aux courts séjours. Pas de visa donc pour moins de 15 jours, notamment pour les voyageurs venus d’Europe.

« Il y a clairement des efforts de fait pour ouvrir le pays. Les visas sont plus accessibles qu’avant, explique Stéphane, qui est belge, mais vit au Mozambique. Les applications acceptent les cartes étrangères, on peut aussi acheter facilement une carte SIM. Donc, ils ont fait des efforts, même s’il reste du chemin à parcourir. Si j’ai un conseil à donner, c’est de télécharger les applis de paiements chinoises sur son téléphone et d’enregistrer sa carte bancaire avant de prendre l’avion. »

Menus sur QR code

Ce touriste prudent a téléchargé Allipay et Weixin sur son téléphone. Il a aussi révisé son chinois avant de partir. Même dans la Chine en ligne, avoir quelques notions de mandarin, c’est bien, dit-il : « Il y a de très nombreuses applications en Chine qui fonctionnent très bien dans la vie de tous les jours. Le problème, c'est que ces applications ne sont pas traduites. Si on ne parle pas chinois, on ne sait pas commander au restaurant où il faut télécharger le menu sur un QR code sur les tables. En fait, tous les trucs qui sont hyper-développés en Chine et qui sont beaucoup mieux que chez nous, on ne sait pas en profiter si on ne parle pas chinois. »

Et dans les avenues boisées, non loin du temple des Lamas, les marchands de jouets en bois, font tourner leurs crécelles. « You mei you weixin ? » (« Pouvez payer avec votre téléphone ? ») implore l’un de ces vendeurs de rues. Non, lui répond une touriste espagnole qui heureusement a l’appoint en billets : « C’est compliqué pour nous d’enregistrer notre carte bancaire dans l’application, s’excuse cette dernière. Mon frère a essayé, mais ça n’a pas marché. Avant de partir dans un éclat de rire : c’est tellement moderne que l’autre fois, dans les toilettes publiques, le papier était distribué via la reconnaissance faciale. »

« Beaucoup des clients étrangers utilisent les paiements électroniques, assure de son côté un livreur de restaurant. Mais tout dépend de l’âge. En fait, c'est comme les personnes âgées chez nous. Chinois ou étrangers, c'est pareil ! Ils ne savent pas comment s’inscrire, ils n’arrivent pas à suivre les évolutions technologiques qui vont trop vite.»

Afin d’attirer davantage de touristes étrangers, les autorités multiplient les annonces. Cette semaine, plusieurs grandes villes chinoises ont décidé de suspendre les réservations préalables en ligne avec enregistrement de son identité, pour les attractions touristiques de niveau A. Cela de manière que les visiteurs étrangers puissent « visiter la Chine plus simplement ».

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