Reportage international

«Être jugé serait une avancée»: le témoignage d’un prisonnier jihadiste marocain devant la justice kurde

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Que faire des 12 000 jihadistes étrangers emprisonnés en Syrie ? Le groupe terroriste État islamique proclamé en 2014 avait attiré dans ses rangs des milliers de combattants venus de l’étranger, dont des Européens. 10 ans plus tard, leurs pays d’origine refusent de les rapatrier. Ils n’ont donc toujours pas été jugés. Aujourd’hui, c’en est trop pour les Kurdes de Syrie, leur administration a annoncé vouloir s’acquitter de cette tâche. Notre envoyé spécial à Hassaké a rencontré l’un de ces anciens jihadistes.

Il y a un an tout juste, des commandos de l’Etat islamique attaquaient une prison renfermant des milliers de jihadistes pour tenter de les libérer, à Hassaké, dans le nord est-syrien, ici en janvier 2023. (Image d'illustration)
Il y a un an tout juste, des commandos de l’Etat islamique attaquaient une prison renfermant des milliers de jihadistes pour tenter de les libérer, à Hassaké, dans le nord est-syrien, ici en janvier 2023. (Image d'illustration) © Julien Boileau/RFI
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L’interview se déroule dans les bureaux des services secrets kurdes. Mohammed Bergich arrive escorté, yeux bandés, menottes aux mains. Jihadiste marocain aux cheveux poivre et sel, il a rejoint Daech en 2013 et est devenu propagandiste pour le groupe État islamique. Il tombe en même temps que son califat à Bagouz, il y a 5 ans. Emprisonné et coupé du monde, nous lui apprenons que les Kurdes veulent le juger. Un jugement, selon le prisonnier, qui ne s’applique pas avec la charia islamique.

« Pour nous, ce sont des jugements illégitimes. Dans notre religion, le fait de demander un jugement, c’est de la mécréance. C’est notre ligne. Mais, globalement, être jugé, ce serait une avancée par rapport à notre situation. Actuellement, nous n’avons ni informations, ni visites. Moi, j’étais un haut responsable de Daesh, ça ne me gêne pas si je suis condamné à 20 ou 25 ans, ou même à perpétuité, ça ne me gêne pas, c’est mon chemin », ajoute le prisonnier qui dit ne pas avoir « ce genre de sentiment ». « Le jour où j’ai laissé mon pays, je n’avais pas l’intention de revenir. J'en suis parti sans demander l’autorisation à Mohamed VI », dit-il.

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« La peine de mort n'existe pas »

Les rapatriements, pourtant demandés en boucle depuis 5 ans par les autorités locales, sont restés sans réponse. C’est ce qui a conduit les Kurdes de Syrie à vouloir juger eux-mêmes ces jihadistes étrangers. « Nous avons des lois et des tribunaux pour lutter contre le terrorisme. Ils commencent tout juste la préparation de ces dossiers. Certains dossiers ont déjà été soumis aux tribunaux locaux qui ont leur propre mode de gestion. Notre objectif est de punir ces criminels et surtout de rendre justice aux victimes. C’est notre but », explique Fana Al-Gayya, chef de la diplomatie du nord-est syrien. Et d'ajouter : « La peine de mort n’existe pas ici. Les peines de prison peuvent varier jusqu’à la perpétuité. »

Pour le moment, aucun procès de jihadistes étrangers n’a été programmé par l’administration autonome du nord-est syrien, dont la justice n’est reconnue par personne au sein de la communauté internationale. 12 000 jihadistes étrangers seraient emprisonnés en Syrie

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