Irak: 10 ans après le génocide de la population yézidie, le difficile retour des survivantes
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Ce samedi 3 août marque les 10 ans du génocide de la population yézidie au Sinjar, en Irak. Le 3 août 2014, plus de 1 200 personnes étaient assassinées, dès le premier soir de l'offensive de Daech dans cette province du nord-ouest irakien. Pendant deux semaines, des massacres sont orchestrés. Plus de 5 000 personnes yézidies sont tuées, environ 7 000 femmes et enfants sont enlevés. La province peine encore à s'en relever. Aujourd'hui, près de 200 000 personnes sont de retour, parmi elles, des survivantes. L'une d'elles est rentrée il y a moins d'un an, elle a accepté de raconter les difficultés du retour.

De notre correspondante en Irak,
Devant le bureau des passeports de Mossoul, Rayhan et son frère Shihab sont effondrés, la carte de domiciliation de leur père, nécessaire pour renouveler les papiers de la jeune Yézidie, n’est plus valable. « Mon père est porté disparu, son attestation de domiciliation date de 2014 ou d’avant, donc ils ont dit : "Il faut la renouveler ou la faire au nom de ta mère", comment peut-on la renouveler alors qu’il a disparu ? », se désespère Rayhan.
Entre ses mains, elle tord la petite carte verte. Rayhan est rentrée il y a moins d’un an de sa captivité aux mains de l’État islamique, elle veut un passeport pour quitter le pays: « Ma mère est au Canada, je veux aller vivre chez elle. » Il lui faudra donc revenir au bureau des passeports.
Sur la route du retour au Sinjar, les villes et villages traversés ravivent les souvenirs de Rayhan, kidnappée à 14 ans, lorsque l’État islamique a attaqué Hardan, son village. « Ils nous ont capturés au carrefour de Hardan et ils nous ont emmenés à Um Alshababit, et de là, ils nous ont emmenés à Tall Afar, dans une école, puis à la prison de Badosh, témoigne la jeune fille, l’État islamique prenait les jeunes filles, une par une. Jusqu’en 2023, je n’ai rien su de ma famille. »
Mariée de force à un homme plus âgé que son père, elle n’évoque jamais la suite. Submergée d'émotion, elle pleure. « Quand ils nous ont pris, on pleurait mon petit frère et moi, on était petits. Et mon grand frère, il est là maintenant. »
Au carrefour de Hardan, trois de ses frères ont été abattus aux côtés de 70 autres hommes. Mais il faut passer par là pour entrer au village, tout est en ruine et 130 personnes sont toujours portées disparues.
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Neuf ans de silence, des retrouvailles inespérées
En 2018, la débâcle de l’État islamique permet à Rayhan de fuir vers la Turquie, mais elle attendra 5 ans pour reprendre contact avec son frère. « Quand on était aux mains de Daech, ils disaient que ceux qui retourneraient auprès de leurs familles seraient tués, témoigne la jeune fille, si elles ne nous tuaient pas, Daech nous tuerait. Donc, on avait peur de ça. »
Son frère Shihab et leur mère se souviennent des premiers contacts après 9 ans de silence. « Quand je l’ai appelée, je lui ai dit : "Maman, c’est ta fille si tu veux lui parler." Elle m’a dit, "je ne te crois pas". » Sa mère se rappelle avoir été figée sur place : « Je ne me souvenais de rien, impossible de réagir. Je ne croyais pas que tu disais la vérité. » « Tout le monde a pleuré, évidemment », ajoute Shihab.
Toujours déboussolée, Rayhan n’arrive pas encore à se projeter dans cette nouvelle vie.
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