Corée du Sud: la législation à la traîne face à un harcèlement sexuel en ligne massif contre les femmes
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En Corée du Sud, la découverte de groupes privés Telegram révèle l'ampleur des cas de harcèlement sexuel en ligne dont les femmes sont les premières victimes. Des groupes féministes coréens ont révélé l'existence de salons de discussion privés où plus de 200 000 hommes échangeraient des photos et vidéos de femmes prises sans leur consentement ou même modifiées par intelligence artificielle pour en faire des vidéos pornographiques. Un énième scandale de la sorte après celui du salon de discussion similaire « Nth room », en 2018 et 2020, qui révèle une forme de banalité des violences sexuelles dans la société sud-coréenne.

De notre correspondant à Séoul,
Du lycée à l'entreprise, les témoignages de femmes victimes de harcèlement sexuel en ligne affluent depuis plusieurs jours sur les réseaux sociaux. Et ces révélations secouent la Corée du Sud. « Quand j'étais au lycée, j'ai été harcelée sur Facebook par un garçon de mon établissement. À cette période, mon nom, mon école, ma classe, mes notes, ont été révélés », témoigne une jeune femme, qui préfère rester anonyme.
« Pour être honnête, j'ai peu d'espoir, continue-t-elle, peu importe si j'évite les hommes, ils n'utilisent pas seulement les photos que nous postons sur nos réseaux sociaux, ils piratent également ces comptes, utilisent nos visages sur des photos de groupes, même nos photos de classe, pour créer des vidéos de deepfake. » Pour parvenir à de fausses vidéos très croyables, l'intelligence artificielle (IA) est en effet utilisée pour calquer le visage de victimes à partir d'une photo sur une vidéo pornographique. Cela afin de créer une fausse sextape.
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Depuis 2018 et le premier scandale de la « Nth room », des associations d'aide aux victimes se sont créées. Shin Seong-yeon en dirige une spécialisée sur le cyberharcèlement et connaît bien les rouages de ce système. « Ce genre d'images sont partagées dans des groupes comme sur Telegram ou d'autres sites. Il en existe énormément avec plusieurs dizaines de milliers de membres chacun », explique-t-elle.
Et l'enjeu économique est fort : « Sur ces groupes, il y a des vendeurs qui échangent des photos, des vidéos contre de l'argent. De quelques centimes à environ sept euros pour une image, ce n'est vraiment pas cher, mais certains sont devenus riches grâce à cela. »
Une législation défaillante qui pourrait être mise à jour
Un phénomène aggravé par les progrès de la technologie de l'intelligence artificielle dont la législation coréenne peine à suivre, poursuit Shin Seong-yeon : « En Corée, il n'existe pas vraiment de loi contre ce genre de crime. Seule la loi contre la pornographie interdit la vente et la diffusion d'images à caractère sexuel. Mais cela ne prend pas en compte le préjudice, la violence contre les victimes. En Corée, le corps nu d'une femme est un plus grand problème que la violence qu'elle subit. »
C'est pourquoi elle plaide pour une prise en compte par les politiques de ce sujet : « Il est nécessaire que les politiques prennent conscience de ce vide juridique et écrivent une nouvelle loi pour punir les cas de harcèlement sexuel en ligne. »
Le président Yoon Suk-yeol a annoncé prendre au sérieux cette vague de crime qui touche, entre autres, des mineurs. Une commission parlementaire va également être mise en place pour potentiellement établir une nouvelle législation.
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