Irak: la mission de l'ONU qui a enquêté sur les crimes de l'EI s'en va sur un goût d'inachevé
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Ce mardi 17 septembre, après six années d’investigation en Irak, la mission des Nations unies en charge d’enquêter sur les crimes du groupe État islamique (UNITAD) prend fin. Selon elle, des millions de preuves médico-légales et numériques, de documents et témoignages personnels ont été recueillis. Accusée par le gouvernement irakien de ne pas transmettre ces informations aux autorités, la mission a été priée de partir. Pour les victimes des crimes de l'EI, c’est parfois la fin d’un espoir, mais pour les services en charge de poursuivre l'enquête et qui ont collaboré avec UNITAD, le travail va continuer.

De notre correspondante à Bagdad,
Dans le nord-ouest irakien, les familles des victimes du génocide yézidi et des disparus attendent, depuis 10 ans, des réponses et que justice soit rendue. Khairi Ibrahim, directeur d'une ONG locale de défense des droits humains, nous emmène à la sortie de la ville de Sinjar. « Dans cette zone, le groupe État islamique a tué de nombreux yézidis et les a mis dans des fosses communes. Là, on va passer derrière cette butte et on verra les fosses communes. »
Battus par les vents, des carrés grillagés marquent leurs emplacements. Il y aurait une centaine de personnes enterrées ici. Sur les 92 charniers identifiés au Sinjar, 32 n'ont jamais été ouverts. Des ossements inconnus refont à présent surface : « En 10 ans, le dossier des fosses communes aurait dû être considéré comme important et être clos, explique Khairi Ali Ibrahim. Ils auraient dû les prendre en charge, ouvrir toutes les fosses communes et dédommager les familles des victimes. Mais jusqu'à maintenant, ça ne s'est pas produit. »
La fin de la mission UNITAD, qui enquêtait sur les crimes du groupe État islamique et soutenait l'excavation de ces charniers, lui fait craindre que ce dossier soit oublié par le gouvernement.
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« Continuer jusqu'à trouver les ADN concordants »
À Bagdad, le laboratoire d'expertise médico-légales continue d'analyser les prélèvements effectués dans les fosses communes ouvertes. Ruha, technicienne du service, explique : « Nous prenons des échantillons des os découpés, et on les donne à l'unité d'isolation de l'ADN. On va continuer jusqu'à trouver les ADN concordants avec ceux de toutes les familles des victimes. »
Chaque jour, 50 échantillons sont analysés, un nombre infime au regard des milliers de prélèvements à venir. Mohammed Mashni, directeur du laboratoire, dit être prêt à continuer les identifications : « Ils nous ont fourni un programme informatique pour assurer le suivi de nos échantillons et nous ont fourni des équipements de laboratoire. UNITAD nous a beaucoup aidés dans notre travail. »
90 zones encore inexplorées
Amer Jabaar, sous-directeur de l'institut en charge des fosses communes, affirme qu'un plan est en place pour tous les charniers. Mais 90 zones sont encore inexplorées sur tout le territoire. Cela prendra encore des années. « Le processus de l'ouverture des charniers et de l'identification requiert de la précision, de l'expérience, des technologies et coûte très cher. Si j'ai besoin d'un mois pour ouvrir une fosse commune, je vais avoir besoin, par exemple, de 80 mois juste pour ouvrir tous les charniers des yézidis. »
Les rapports d'UNITAD remis aux autorités irakiennes présentent des preuves de crimes de guerre et de génocide. Mais les autorités judiciaires ne pourront faire suite en ces termes. Aucune loi ne pénalise spécifiquement un génocide en Irak.
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