Erdogan cherche à criminaliser les minorités LGBT avec une loi répressive aux conséquences radicales
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Il n’a peut-être jamais été aussi difficile d’être homosexuel, bisexuel ou transgenre en Turquie. Depuis plusieurs années, le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan s’en prend directement et de plus en plus violemment aux ONG de défense des droits des LGBT. Les autorités turques, qui ont décrété 2025 « année de la famille », préparent actuellement une loi qui pourrait aboutir à la criminalisation de l'homosexualité dans l'espace public.

De notre correspondante à Ankara,
Le 13 janvier dernier, Recep Tayyip Erdogan présentait les priorités de son gouvernement pour « l'année de la famille » – c'est ainsi que le président turc a désigné l'année 2025. Le ton, l'intention et les cibles étaient claires. « À ce stade, nous le voyons de façon très nette. La cible principale des politiques de désexualisation dans lesquelles les LGBT sont utilisés comme un bélier est la famille. Cette anomalie, qu'ils ont d'abord voulu légitimer en parlant de choix personnels, s'est transformée en une injonction fasciste », a clamé le président turc. Qui parle aussi régulièrement de « pervers » et de « déviants » pour attaquer la communauté LGBT, qu'il compare à la peste.
La Marche des fiertés, autrefois autorisée, est interdite depuis plus de dix ans, tout comme le drapeau arc-en-ciel. Mais en cette « année de la famille », le pouvoir veut aller plus loin. Un projet de loi en préparation prévoit entre autres de punir de un à trois ans de prison le fait « d'encourager ou de faire l'éloge en public d'attitude et de comportement contraire au sexe biologique de naissance et à la moralité publique ».
Si le texte passe en l'état, les conséquences sur le quotidien des LGBT de Turquie seront radicales. « Si deux lesbiennes ou deux gays qui se tiennent la main dans la rue ou un individu de sexe biologique masculin qui porte une jupe ou se maquille, tout cela sera criminalisé, tout cela sera puni de prison », explique Kerem Dikmen, coordinateur du programme Droits de l'homme de l'ONG Kaos GL.
Les minorités sexuelles de Turquie affrontent d'année en année un climat politique de plus en plus hostile et répressif. Ce climat n'est pas seulement lié à la montée, ailleurs en Europe et dans le monde, de gouvernements de droite, conservateurs et populistes. « Le fait que Donald Trump soit au pouvoir aux États-Unis ou Victor Orban en Hongrie arrange les affaires du pouvoir turc. Mais au-delà de cela, le pouvoir en Turquie a aussi son propre agenda politique. D'une part, en s'en prenant au mouvement LGBT comme au mouvement féministe, il offre des gages aux franges les plus radicales de son électorat et donc consolide sa base. D'autre part, il se sert des LGBT pour attaquer toute l'opposition, des partis d'opposition à la société civile, en usant de la polarisation », estime Abdullah Ikbal Arslanbas, avocat pour l'association 17 mai, une ONG LGBT basée à Ankara.
Recep Tayyip Erdogan accuse notamment le Parti républicain du peuple (CHP), le parti du maire d'Istanbul Ekrem Imamoglu, incarcéré le mois dernier, d'être pro LGBT. Dans le but de dénigrer la principale formation d'opposition aux yeux des Turcs conservateurs, qui ne votent pas tous pour le pouvoir en place.
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