Reportage international

Kurdistan irakien: après la dissolution du PKK l’espoir d’une fin de l’intervention militaire turque

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Si la guérilla kurde du Parti des travailleurs du Kurdistan, le PKK, est née en Turquie à la fin des années 1970, c’est au Kurdistan irakien voisin qu’elle a installé ses quartiers généraux. Les combats s’y sont déportés et même concentrés : depuis 2022, l’armée turque mène une opération militaire d’envergure dans la vallée d’Amedi en Irak, véritable occupation du territoire où les populations civiles sont prises au piège. L’officialisation, le 12 mai, de la dissolution du groupe insurgé kurde qui mettrait un terme à plus de 40 ans de lutte armée, suscite les espoirs d’un retour à la vie normale, même si beaucoup craignent que la présence militaire turque se prolonge.

Amedi dans le Kurdistan irakien. (Photo d'illustration)
Amedi dans le Kurdistan irakien. (Photo d'illustration) © Frans Sellies/GettyImages
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De notre envoyé spécial de retour d'Amedi,

Deux jours après l’annonce par le Parti des travailleurs du Kurdistan de sa volonté à s’engager dans un processus de paix avec la Turquie, le calme règne dans le petit village de Guharzé, au Kurdistan irakien. Shayda, 19 ans, nous ouvre les portes de son jardin. Une sérénité qui contraste avec la violence de ces derniers mois : « Le 27 octobre dernier, nous étions tous en train de dîner, il n’y avait pas particulièrement de combats ce soir-là, alors, nous ne nous y attentions pas, quand soudain, il y a eu un immense fracas, nous sommes sortis précipitamment de la maison, nous ne pouvions rien voir avec la fumée et la poussière dans nos yeux. »

Le père de Shayda nous emmène au fond du jardin, il désigne un cratère creusé à une dizaine de mètres de la bâtisse : « Une rocket tirée par un drone est tombée juste là. Regardez, ici, le plafond s’est effondré, les murs sont fissurés, toutes les fenêtres ont été soufflées vers l’intérieur de la maison. Nous avons vidé quatre brouettes de fragments de la bombe… »

La bombe qui s’est écrasée sur le jardin de Shayda et son père a été larguée par un drone turc. Malgré la rumeur de la paix, leur ronronnement discret est incessant dans le ciel de Guharzé. Sur une pente rocailleuse à la sortie du village, nous retrouvons son chef, Ahmed, il fait paître ses 200 chèvres dans un enclos bien trop étroit : « Si l’on s’éloigne du village, on risque d’être pris pour cible. Ou les drones vont se mettre à nous tourner autour dans le ciel, ils vont nous forcer à rentrer avec nos chèvres. C’est pour ça qu’on ne quitte pas le village. On se fait tirer dessus. Avant, nous vivions plus haut dans la montagne, nous avions des vignes, des arbres fruitiers, nos fermes. Mais nous ne pouvons plus y accéder, l’armée turque occupe ces terres. »

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Dans sa lutte contre la guérilla du PKK, repliée dans un réseau de tunnels et dont les déplacements sont invisibles, depuis six ans, la Turquie a renforcé son emprise sur le territoire. Pour en prendre la mesure, nous rejoignons le village de Sergélé, situé à 20 kilomètres de la frontière. Agriculteur à la retraite, Rochavi nous invite à le suivre sur son toit : « Vous voyez, de ce côté, il y a les bases de la Turquie, toute la montagne de Matin, c’est désormais la Turquie… »

À moins de cinq cents mètres, nous pouvons discerner les sacs de sables qui protègent une installation militaire posée sur un promontoire rocheux. Il y en aurait plus de 136 disséminées au Kurdistan irakien : « Nous sommes tous extrêmement soulagés que le PKK ait pris cette décision de se dissoudre, ils auraient dû la prendre il y a plus de dix ans. Si ce processus de paix est un succès et que le PKK abandonne les armes, nous pourrons retrouver nos montagnes, nos animaux, nos fermes… »

Pour cela, les soldats turcs doivent quitter le Kurdistan. Les mains crispées autour de sa tasse de thé, Rochavi est habité par les doutes : « Je ne suis pas sûr que la Turquie s’en ira aussi facilement. La terre du Kurdistan, c’est de l’or. Et les Turcs ont jeté leur dévolu dessus et ont coupé tous les arbres de la région, des arbres fruitiers parfois centenaires, et ils les ont emportés en Turquie. Mais si le PKK n’existe plus, ça doit s’arrêter. »

Les bruissements de la paix sont sur toutes les lèvres dans cette vallée où les civils vivent sur un fil et les bombardements ont certes diminué ces derniers jours, mais n’ont pas cessé pour autant, alors que la démobilisation du PKK est attendue ces prochains mois. 

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