«Adolescence»: la série sur Netflix qui alerte le Royaume-Uni sur la santé mentale des jeunes
Publié le :
Au début du printemps, une série Netflix a ému, choqué, touché, voire indigné des millions de personnes. La mini-série britannique Adolescence, qui racontait le meurtre d’une jeune fille par un de ses camarades de classe, radicalisé sur internet par l’idéologie masculiniste et incel – l’idée que les hommes n’ont pas le choix que d’utiliser la violence pour parvenir à des relations avec les femmes, popularisée par des influenceurs comme Andrew Tate. Au Royaume-Uni, le gouvernement a même décidé de diffuser la série dans les écoles à des fins éducatives. Mais le programme a aussi permis de lancer un vaste débat sur la santé mentale des garçons et des jeunes hommes. Rencontre avec ceux qui essaient de faire changer les choses.

Le regard un peu fuyant, les bras tatoués du prénom de ses deux filles, Ben a 26 ans. Après une enfance difficile, entre un père alcoolique et décrochage scolaire, il se crée une idée très précise du type d’homme qu’il veut incarner : « Un homme traditionnel, qui protège, qui ramène l’argent à la maison, s’assure que sa famille a un toit et de quoi manger. Pour moi, c’est ça, être un homme. C’est beaucoup de pression, mais c’est mon choix. Mais je crois quand même que la société a une responsabilité majeure dans ce qu’on attend d’un homme. »
Et parmi ces attentes, il y en a une qui le touche particulièrement : l’impression de ne pas pouvoir exprimer ses émotions, en tant qu’homme. « Ma manière de les gérer, c’était de m’automutiler. Ce n’est pas pour rien que le taux de suicide chez les hommes est si élevé : nous n’avons personne à qui parler. Pour les femmes, en général, vous prenez votre téléphone et vous allez prendre un thé avec des amies. Pour un homme, si j’appelle un pote pour discuter, il se moque de moi. »
Après un passage par les drogues et la prison, Ben devient chef cuisinier et intègre un groupe de parole pour hommes. Dans ce groupe, son mentor connaît bien ce phénomène, des émotions refoulées, un sentiment d’injustice qui conduisent à la violence. Parfois contre soi-même, comme pour Ben, mais parfois contre les femmes, surtout depuis #MeToo. Chris Hemmings, ex-journaliste devenu thérapeute, intervient dans les établissements scolaires pour lutter contre cette violence. « Ces 10 dernières années, beaucoup a été fait pour aider les femmes. Mais les jeunes hommes voient toujours le taux de suicide, de sans-abrisme, d’alcoolisme, et se sentent lésés. Ce qu’ils ressentent, c’est une société qui s’occupe des femmes et des filles, et qui se fiche d’eux. Je leur dis : "ok, mais les femmes se sont battues pour tout ça, à nous de nous battre" ! »
« L'école a un vrai rôle à jouer »
Mais ce genre d’initiatives, dans les établissements scolaires, reste rare. James McCann, co-fondateur d’une ONG baptisée Feminist Men, déplore l’espace laissé aux influenceurs misogynes sur les réseaux sociaux. « Certains hommes se sentent seuls, isolés, se demandent comment naviguer dans un monde qui a tellement changé. Et qui fournit une information accessible ? Malheureusement, ce sont ces individus misogynes, qui font des femmes un bouc émissaire. Il est là, le problème. »
Dans son appartement de Brighton, le jeune Ben fixe la mer par la fenêtre : « J’aurais aimé qu’on me tende la main plus tôt. Je pense que je n’aurais pas eu à traverser tout ce que j’ai traversé. Et l’école a un vrai rôle à jouer là-dedans. »
Parmi les solutions évoquées par les associations, plus d’investissements pour la santé mentale des hommes, qui représentent encore trois quarts des suicides. Et plus de modération sur les réseaux sociaux, voire des restrictions d’accès pour les plus jeunes.
À lire aussiNetflix hit 'Adolescence' stokes UK parents' anxiety
NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail
Je m'abonne