Au Japon: les survivants de Hiroshima et de Nagasaki victimes de discriminations persistantes
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Au Japon, les cérémonies de commémoration des bombardements atomiques de Hiroshima et Nagasaki débuteront ce mercredi 6 août. Il y a 80 ans, les 6 et 9 août 1945, ils firent au total plus de 210 000 morts dont près de 40 000 enfants et 150 000 blessés. Dans ces deux villes martyres, au-delà de l'émotion, le dépit et la colère seront de mise cette semaine, car bon nombre des personnes ayant survécu à ces bombardements ont ensuite été victimes de discriminations tout au long de leur vie. Le gouvernement nippon lui-même discrimine toujours certains survivants.

De notre envoyé spécial de retour de Nagasaki
Énormément d'habitants de Hiroshima et Nagasaki qui ont survécu à l'horreur du feu atomique ont ensuite vu leur vie basculer. Car on les a montrés du doigt, stigmatisés, mis sur le côté. Comme l'explique Matsuyoshi Ikeda, qui avait 7 ans en août 1945 : « Nombre de survivants des bombardements ont ensuite eu de grandes difficultés à trouver un travail. Comme ils avaient été exposés aux retombées radioactives, les entreprises se méfiaient d'eux. La plupart des employeurs se disaient que ce n'était pas une bonne idée de les embaucher, car ils ne seraient pas des salariés fiables. Ils risqueraient d'être trop souvent en arrêt-maladie si, en raison de leur irradiation, ils avaient de gros problèmes de santé – un cancer ou une leucémie, par exemple. »
Les femmes, elles aussi, ont été victimes de discriminations. Ce que confirme Tomoko Matsuo, qui a 92 ans : « Ce n'est heureusement pas mon cas, mais les études l'attestent, et ce, de manière incontestable : beaucoup de survivantes n'ont jamais réussi à se marier. Car les hommes imaginaient qu'à cause des radiations qu'elles avaient subies, elles seraient infertiles. Ou alors, uniquement à même de mettre au monde des bébés chétifs, à la santé fragile ou atteints de malformations : avec des doigts qui manquent par exemple. »
« Discrimination d'État »
Des milliers d'habitants de Hiroshima et Nagasaki qui étaient dans ces villes les 6 ou 9 août 1945 ne sont pas officiellement considérés comme ayant été victimes des bombardements atomiques. Parce qu'ils n'ont pas pu prouver leur présence à proximité immédiate du point d'impact des bombes, à savoir dans le périmètre très réduit qu'a délimité le gouvernement et où les retombées radioactives furent les plus importantes.
Aux yeux des autorités, ces habitants ont juste « expérimenté les bombardements atomiques » mais n'en ont pas souffert. Ils ne bénéficient donc pas de la gratuité des soins de santé, à l'inverse des victimes qui ont été reconnues comme telles. Dans les deux villes, on y voit une « discrimination d'État », indigne. Le maire de Nagasaki, Shiro Suzuki, ne décolère pas : « Une telle discrimination géographique n'a pas de sens dans la mesure où y compris des gens qui se trouvaient à deux kilomètres du point d'impact des bombes ont été affectés par les radiations atomiques. »
Depuis des lustres, la ville de Nagasaki presse le gouvernement de rectifier la situation et au plus vite, car il y a urgence. En effet, ces survivants qui ne sont pas reconnus comme des victimes vieillissent et beaucoup ont de gros soucis de santé, donc ils ont impérativement besoin d'aide. Pour ma part, en tout cas, je ne transigerai pas et continuerai à plaider sans relâche auprès des autorités pour qu'elles revoient leur position. »
Tout au long des commémorations, les victimes des bombardements vont sommer les autorités de mettre un terme à cette discrimination. Ce que fera aussi l'association Hidankyo qui les regroupe et qui, l'an dernier, a reçu le prix Nobel de la Paix.
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