Reportage international

En Lituanie, le quotidien parfois compliqué des réfugiés politiques biélorusses

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Il y a cinq ans, les Biélorusses votaient pour élire leur président. Une élection une nouvelle fois marquée par une fraude massive qui a permis la réélection d'Alexandre Loukachenko, au pouvoir depuis 1994. Mais en 2020, à la différence des autres années, les Biélorusses sont descendus en masse dans les rues pour protester. Des manifestations qui ont été réprimées dans le sang. Cinq ans après, les persécutions se poursuivent. Près de 1 200 prisonniers politiques sont en prison et 500 000 Biélorusses ont quitté leur pays pour fuir la répression. Ils se sont surtout installés en Pologne et en Lituanie.

Les gens profitent d'une vue sur Vilnius, en Lituanie, le mardi 11 juillet 2023.
Les gens profitent d'une vue sur Vilnius, en Lituanie, le mardi 11 juillet 2023. AP - Pavel Golovkin
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De notre correspondante à Vilnius,

Quand il sirote son cappuccino dans un café de Vilnius, rien ne distingue Yauhen des autres jeunes Lituaniens, tatoués et habillés à la mode comme lui. Tout les sépare pourtant. Le Biélorusse est réfugié en Lituanie. « J'ai l'impression d'être parfois dans un monde parallèle où la Biélorussie n'a jamais été une dictature. D'un côté, quitter le pays a été une très bonne décision, d'un autre, je rêve souvent de retourner dans mon pays », confie-t-il.

Il est arrivé en Lituanie le 4 novembre 2020, après avoir été expulsé de l'université à Minsk. Il s'est fait tatouer le tampon d'entrée sur le territoire sur son bras. Comme la plupart des 51 000 Biélorusses arrivés dans ce pays depuis cinq ans, il n'a pas choisi ce déracinement. Même s'il parle lituanien, il est content de trouver des endroits où échanger en biélorusse. « Tous les trois-quatre mois, des espaces apparaissent où les Biélorusses peuvent se retrouver. Il y a un restaurant biélorusse, Karczma, un magasin de souvenirs biélorusses qui organisent aussi des rencontres, des événements », énumère-t-il.

Victoria Federova dirige l'ONG Legal Initiative. Elle documente les cas de torture dans les prisons biélorusses et verse ces preuves aux enquêtes ouvertes contre le régime de Minsk en Lituanie. Le quotidien peut être parfois compliqué. « Nos pièces d'identité vont bientôt expirer et par exemple, on ne sait pas comment faire pour les renouveler. Désormais, c'est interdit de le faire dans les ambassades », regrette-t-elle.

Les services de renseignement lituaniens avertissent depuis quelques mois de la campagne active de recrutement du KGB biélorusse en Lituanie. « ​​​​​​​J'ai appris aujourd'hui que le comité biélorusse d'investigation avait ouvert des enquêtes criminelles contre des personnes qui avaient manifesté à l'étranger contre le régime. Ils peuvent nous juger par contumace et confisquer nos biens en Biélorussie », explique Victoria Federova, qui se méfie lorsqu'elle se rend à des manifestations. 

Le poète Tsikhan Czarnikiewicz a recréé l'union des écrivains biélorusses à Vilnius, après que l'association a été fermée du jour au lendemain durant l'été 2021. Pour lui, promouvoir la culture est un acte de résistance : « On organise ici des événements littéraires, des festivals et on essaye d'inviter des auteurs de Biélorussie. Il y a si peu d'occasions aujourd'hui en Biélorussie pour les écrivains, les musiciens, les acteurs. »

Quand on sort de Vilnius, les panneaux indiquent la direction de Minsk ou Grodno, deux grandes villes biélorusses toutes proches. Mais pour de nombreux émigrés, traverser la frontière signifierait être directement envoyé en prison. 

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