Reportage international

En Serbie, une répression policière toujours plus féroce, un an après l'accident de Novi Sad

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Voilà bientôt un an que la Serbie est secouée par un important mouvement de protestation contre la corruption. Depuis la catastrophe de la gare tout juste rénovée de Novi Sad, qui a fait 16 morts le 1er novembre 2024, le régime autoritaire d'Aleksandar Vucic est dénoncé par des manifestations et des blocages de rues. Alors que le président, notoirement proche de la Russie, refuse toujours d'organiser des élections anticipées, les étudiants sont à la pointe de ce mouvement résolument pacifique et démocratique. Mais depuis plusieurs semaines, ils font face à une répression de plus en plus violente.

Des manifestants défilent lors d'une manifestation onze mois après la tragédie meurtrière qui a éclaté dans une gare ferroviaire et déclenché des manifestations de masse contre la corruption à Belgrade, en Serbie, le mercredi 1er octobre 2025.
Des manifestants défilent lors d'une manifestation onze mois après la tragédie meurtrière qui a éclaté dans une gare ferroviaire et déclenché des manifestations de masse contre la corruption à Belgrade, en Serbie, le mercredi 1er octobre 2025. AP - Marko Drobnjakovic
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Comme des milliers de jeunes Serbes, Dusan Svetkovic a passé l'été à bloquer les rues de Belgrade pour exiger des élections anticipées. Mais le 14 août dernier, lors d'un rassemblement près de la place Slavija, le destin de cet étudiant en physique bascule.

« Je me tenais tranquillement près de la fontaine quand une voiture sans plaque est arrivée. Des hommes en civil en sont sortis, et l'un d'entre eux s'est précipité vers moi et m'a violemment jeté au sol. Quatre ou cinq autres hommes sont arrivés, et ils ont commencé à me frapper et à me donner des coups de poing au visage. Ils m'ont frappé la tête contre le sol, et l'un d'entre eux m'a donné des coups de pied avec ses bottes, alors que j'avais la tête sur le goudron », se souvient-il.

Embarqué par les hommes de cette unité spéciale, Dusan affirme avoir été battu et menacé de mort dans un garage situé sous le siège du gouvernement, avant d'être relâché trois heures plus tard. Le lendemain, à quelques centaines de mètres de là, Alexandra Nikolic tombe à terre lors d'une charge policière. Elle reçoit un coup de matraque sur le crâne du policier. « Vu comment la police s'est comportée pendant ces dix derniers mois de contestation, je ne m'attendais à rien de bon de leur part. Mais je n'imaginais même pas qu'ils nous frappent par derrière, alors que nous étions deux femmes tombées au sol », explique l'étudiante en droit, montrant les photos de son visage ensanglanté.

Elle dénonce la dérive autoritaire du régime du président Aleksandar Vucic : « La justice, la violence, les médias, les insultes... Les autorités utilisent tous les moyens dont elles disposent pour réprimer leurs citoyens. Personnellement, je considère que cela relève d'un type de fascisme. Avec cette philosophie du "où vous êtes avec nous, où vous êtes contre nous", pour moi, il est clair que l'État emploie des méthodes fascistes. »

Usage illégal de la force, séquestration dans des lieux non officiels, absence d'avocats... Les méthodes de répression employées par le pouvoir sont aujourd'hui documentées par plusieurs ONG. Les étudiants et les opposants dénoncent notamment la mainmise du SNS, le parti présidentiel, sur l'appareil judiciaire. Des pratiques bien éloignées des valeurs de l'Union européenne, à laquelle la Serbie est toujours officiellement candidate.

Alors que le président Vucic se montre inflexible, des élections pourraient avoir lieu en avril 2026. En attendant, les étudiants se préparent et envisagent de présenter leur propre liste lors de ces législatives. Espérant ainsi ouvrir des premières brèches dans un système jusque-là verrouillé.

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Un reportage à écouter en entier ici, dans le podcast Accents d'Europe.

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