Corée du Sud: à Jeungsan, des seniors sur les bancs de l’école
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Dans les campagnes sud-coréennes, la chute du nombre d’élèves contraint certaines écoles à fermer leurs portes. Ce phénomène est lié au taux de natalité du pays, le plus bas de l’OCDE. Pour éviter ces fermetures, des établissements accueillent des seniors qui ne sont jamais allés en classe. Reportage dans la province de Gyeongsang du Nord, à la rencontre de ces élèves un peu particuliers.

De notre correspondante de retour de Jeungsan,
Dans cette salle de classe du petit village de Jeungsan, les élèves ne sont pas tous des enfants. L’établissement accueille aussi, depuis plus d’un an, des seniors analphabètes. Objectif : ne pas fermer la dernière des trois écoles du village. Une des élèves, octogénaire, se fait un café. Les quelques enfants de l’établissement vont, eux, prendre leur petit déjeuner dans la pièce d'à côté, en attendant que les retardataires arrivent.
Aujourd’hui, c’est classe verte. La directrice, Kwon Kyong-mi, est aussi de sortie : « Il y a trois raisons pour lesquelles nos aînés aiment venir à l’école : échapper à leur vie, devenue aliénante et solitaire, pouvoir enfin s'éduquer et aider l’établissement à ne pas disparaître. À cause de l’exode rural et du taux de natalité qui chute de manière spectaculaire, les campagnes sont de moins en moins peuplées d’enfants. »
À 9h précise, la vingtaine d’élèves, enfants et seniors, montent dans un bus. Direction, la forêt montagneuse, qui veille sur les alentours. Si certains grimpent les flancs de la montagne avec les enfants et les deux professeurs, les plus âgés se reposent sous un kiosque en attendant. Lee Gi-nam, 86 ans, est assise parmi eux, en chaussettes. Elle a fait sa rentrée en 2024. « Il y a beaucoup de choses que je ne savais pas, confie-t-elle. Avant, je ne faisais que manger et travailler [dans les champs]. Maintenant, j’apprends les mathématiques, le coréen, et même la musique, ce qui me rend très heureuse. »
Une seconde chance sur les bancs de l’école
Avant de fréquenter l’école de Jeungsan, la plupart de ses camarades ne savaient même pas écrire leur prénom. Derrière ces difficultés quotidiennes, des parcours de vie souvent très bouleversés. Après l’armistice en 1953, le pays est appauvri par la guerre… Le miracle économique sud-coréen a demandé bien des sacrifices. « À cette époque, on vivait dans la pauvreté. Ma mère est tombée malade et est décédée quand j'avais neuf ans, raconte Park Lye-sun, agricultrice et élève de 77 ans. J'ai eu une vie difficile et je n'ai pas pu aller à l'école. » Adulte, elle est atteinte de dépression. « J'ai pris des antidépresseurs pendant environ dix ans. Mais je les ai arrêtés dès que j’ai fait ma rentrée à Jeungsan. J'ai du mal à réaliser, mais je suis tellement heureuse. »
Le village n’est pas le seul en Corée du Sud à accueillir des seniors pour remplir ses salles de classe. Dans la capitale, d’autres établissements fusionnent pour faire face à la baisse du nombre d’élèves. Un des nombreux défis que pose le taux de natalité sud-coréen, l’un des plus bas du monde.
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